Wajda achève sa carrière par un film retraçant le combat de Władysław Strzemiński, artiste peintre opprimé par la férule communiste à Łódź au mitan des années cinquante, soit pile au moment où le réalisateur y étudiait le cinéma. Quel troublant symbole !
Nullement crépusculaire ni testamentaire, ce portrait-hommage d'un homme défendant sa liberté jusqu'à l'ultime extrémité — ce qui n'est pas un vain mot pour Strzemiński, amputé d'une jambe et d'un bras — use d'un classicisme formel pour célébrer l'audace, voire la subversion de ce théoricien et précurseur de l'art contemporain. Mais classicisme ne signifie pas académisme : Wajda intègre le minimalisme chromatique, le dépouillement décoratif et architectural emblématiques de son œuvre dans l'esthétique de son film. Ce faisant, il réinscrit l'artiste polonais dans son époque, à la barbe de ses détracteurs, et montre qu'après la triste parenthèse soviétisante valant à Władysław d'être martyrisé à la façon d'un Joseph K., la postérité lui a donné raison.
Mention particulière à Bogusław Linda, l'interprète de Strzemiński, qui investit certes le corps diminué de son personnage, mais fait passer sa résolution grâce à sa seule lippe boudeuse resserrée sur un mégot. Du minimalisme appliqué.