Les Fleurs bleues

de Andrzej Wajda (Pol, 1h38) avec Bogusław Linda, Aleksandra Justa, Bronislawa Zamachowska…


Wajda achève sa carrière par un film retraçant le combat de Władysław Strzemiński, artiste peintre opprimé par la férule communiste à Łódź au mitan des années cinquante, soit pile au moment où le réalisateur y étudiait le cinéma. Quel troublant symbole !

Nullement crépusculaire ni testamentaire, ce portrait-hommage d'un homme défendant sa liberté jusqu'à l'ultime extrémité — ce qui n'est pas un vain mot pour Strzemiński, amputé d'une jambe et d'un bras — use d'un classicisme formel pour célébrer l'audace, voire la subversion de ce théoricien et précurseur de l'art contemporain. Mais classicisme ne signifie pas académisme : Wajda intègre le minimalisme chromatique, le dépouillement décoratif et architectural emblématiques de son œuvre dans l'esthétique de son film. Ce faisant, il réinscrit l'artiste polonais dans son époque, à la barbe de ses détracteurs, et montre qu'après la triste parenthèse soviétisante valant à Władysław d'être martyrisé à la façon d'un Joseph K., la postérité lui a donné raison.

Mention particulière à Bogusław Linda, l'interprète de Strzemiński, qui investit certes le corps diminué de son personnage, mais fait passer sa résolution grâce à sa seule lippe boudeuse resserrée sur un mégot. Du minimalisme appliqué.


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