Annonciation

Les peintures de Frantz Metzger tentent d'exprimer quelques mystères existentiels et l'intensité du sensible. Son Annonciation nous semble particulièrement emblématique de cette quête artistique.


Dans un champ baigné de brume, deux corps nus se devinent, que l'œil "arrache" avec difficulté de la matière. Il en distingue davantage les volumes de chair que les traits anatomiques... Comme dans d'autres tableaux, Frantz Metzger suggère dans son Annonciation des figures, des présences au sein d'un souffle de matière picturale qui, à la fois, leur donne consistance d'image et semble concomittament les déchirer, les emporter avec lui, les faire disparaître. Un effet de souffle dans tous les sens du terme.

Le titre de l'œuvre, Annonciation, nous amène à l'hypothèse, certes floue, que le corps de gauche pourrait être Marie, et celui de droite l'Ange Gabriel. Mais ici, contrairement aux tableaux célèbres de Fra Filippo Lippi, Fra Angelico ou Piero della Francesca, il n'y a plus ni cloître ou loggia, ni colonne, ni habits hiératiques, ni visages... Rien que l'humus, l'herbe, la chair, le souffle des éléments... Rien que la peinture en fait, aux lisières de l'abstraction.

« L'Annonciation, nous dit Frantz Metzger, est pour moi une sorte de métaphore ou d'allégorie de ce qu'est la peinture. Ce thème représente l'incarnation du Verbe (le verbe s'est fait chair), en d'autres termes il s'agit de l'apparition de l'invisible dans le visible. Pour pousser grossièrement la métaphore, la peinture est la chair, le verbe le mystère ou d'autres émotions. »

La peau de peinture

On comprend dès lors que cette Annonciation réalisée en 2015 n'est pas une représentation du récit de Luc, une énième glose sur l'Incarnation christique (mais peut-être que, déjà, les Annonciations peintes à la Renaissance dépassaient ce problème, regardaient ailleurs).

L'Annonciation de Metzger est une résurgence, une rémanence, une reprise contemporaine d'un problème qui nous colle à la peau : qu'est-ce qu'avoir un corps, quels liens tisse-t-il avec son environnement, comment représenter cette condition psycho-somatique tout à la fois si dérisoire, tragique et poignante ?

De grands historiens de l'art ont été fascinés par la représentation de l'Annonciation, comme Daniel Arasse ou encore Louis Marin qui écrit dans son texte Énoncer une mystérieuse figure en 1987 : « Mon discours voudrait montrer sur quelques œuvres de peinture que la figuration est toujours le mystère d'une incarnation dont l'énonciation se présente toujours comme l'annonciation d'un secret ; ou encore que la figuration de peinture est la "mystérieuse" exposition au regard du secret "annoncé" de l'énonciation de langage. » Propos qui résonnent particulièrement avec l'œuvre de Frantz Metzger.


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