Ces corps politiques

En dépit des apparences et des idées reçues, le corps et la danse ont des liens assez directs et forts avec le politique et la vie de la cité. Le 6e Festival Sens Dessus Dessous réunit plusieurs chorégraphes sensibles à ces questions.


Si vous êtes un lecteur du philosophe Michel Foucault, de l'anthropologue Marcel Mauss, du géographe Michel Lussault, ou tout simplement du Petit Bulletin (notre récent entretien avec Boris Charmatz), les liens entre danse, corps et politique n'ont pour vous plus rien d'étonnant ni de paradoxal.

Rappelons les mots très simples que le chorégraphe Boris Charmatz employait dans nos colonnes pour en donner un exemple à la fois emblématique et actuel : « La danse peut rassembler beaucoup de gens dans le but de se questionner, de se remettre en mouvement, d'essayer des choses et de changer des postures. À l'heure où notre société est figée par le terrorisme, le chômage, la sécurité, la privatisation, la danse donne des possibilités d'assouplissement. »

Le politique, au sens large, est aussi question de gestes, de distribution des places dans l'espace social, de postures permises ou interdites, de distance, possible ou taboue, entre les uns et les autres... Une grande partie de l'exposition bien nommée Corps rebelles au Musée des Confluences (jusqu'au 5 mars) explore ces questions qui traversent tout le 20e siècle, jusqu'à aujourd'hui...

Cette violence qui nous fonde

La 6e édition du festival Sens Dessus Dessous (consacré aux chorégraphes émergents internationaux) sera largement traversée par des questionnements politiques. Parmi les sept artistes invités, le Biélorusse Arkadi Zaides présentera une étape de travail d'un spectacle interrogeant la notion de frontière (l'espace Schengen notamment), la Rwandaise Dorothée Munyaneza reviendra sur le génocide qui a traumatisé son enfance, et le Franco-Algérien Heddy Maalem nous fera redécouvrir le krump, cette danse urbaine aux allures brutales née à Los Angeles au milieu des années 90, dans un contexte de guerre des gangs et d'émeutes raciales. « Cette danse est une chance car elle est un partage de la violence qui nous fonde et un moyen de la comprendre en se délivrant du discours. » déclare le chorégraphe dans le dossier de presse.

Le festival sera l'occasion de découvrir deux autres créations à forte teneur politique encore : le Belgo-Burkinabè Serge Aimé Coulibaly présentera Kalakuta Republic, pièce pour sept danseurs inspirée par la musique et la biographie de l'activiste et célèbre musicien Fela Kuti, « l'exemple même de l'artiste qui a un rôle social important à jouer, de l'artiste qui est en phase avec sa société et qui la fait avancer » selon le chorégraphe.

L'artiste grecque Patricia Apergi créera quant à elle Cementary, ville imaginaire pour six danseurs relatant la vie des migrants et des sans-abris à Athènes...

Sens Dessus Dessous
À la Maison de la Danse et au Toboggan du 5 au 18 mars

Corps rebelles
Au Musée des Confluences jusqu'au 5 mars


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