Marie Modianesque


Comédienne, ayant étudié l'art dramatique à la Royal Académie de Londres, poète, chanteuse et écrivain, on connaît Marie Modiano pour un recueil de poésie, Espérance mathématique, pour ses albums dont l'un est la mise en musique du recueil précité, par son compagnon Peter Von Poehl, et pour un étrange roman baptisé Upsilon Scorpii. On la connaît évidemment aussi pour être la fille d'un Prix Nobel de Littérature, Patrick Modiano. Une filiation difficile à passer sous silence.

En revanche, on la connaît un peu moins pour une histoire toute personnelle, intime, qui est aussi un petit bout d'Histoire de la littérature et qu'elle raconte dans Lointain son deuxième roman. Une histoire comme on ne les invente pas, insatiablement romanesque : celle de sa rencontre, adolescente, avec un jeune américain en 1994 sur le Pont des Arts. Un type un peu errant, musicien, poète, écrivain, qu'elle ramènera à la maison et dont elle finira par découvrir qu'il est l'auteur d'un gigantesque manuscrit écrit en pattes de mouches sur lequel il est urgent de se pencher.

Tandis que la jeune femme vit une histoire d'amour avec l'Américain qui retravaille son roman comme un forcené, tout va être mis en œuvre pour qu'il soit publié. Il le sera d'abord en France par Gallimard. Ce roman, c'est Le Seigneur des porcheries, un roman magistral dont le souffle navigue entre Faulkner, McCarthy et Lowry. Le jeune auteur américain c'est Tristan Egolf, un être magnifique et torturé, trop rongé par sa vocation pour laisser un peu de place à la vie – qu'il s'ôtera en 2005.

Depuis Lointain, et depuis un récit enchâssé dans une tournée théâtrale européenne sise au milieu des années 2000, Marie Modiano conte à la troisième personne cette histoire d'amour et de littérature entre Londres, Paris et les États-Unis. Elle dit la silhouette de l'Amour perdu surgissant partout dans Paris comme un fantôme, une réminiscence, une persistance rétinienne sur le cœur et la correspondance qui se distend jusqu'à une issue fatale et l'oubli impossible. Il y a un mot pour ce genre de livres à la délicatesse affleurante et à la mélancolie si loin si proche : modianesque. À découvrir en douce lecture musicale.

Marie Modiano + Peter Von Poehl (lecture musicale)
À l'Espace Albert Camus le samedi 11 mars


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L'Amérique du Sud avec Adia Victoria