Dominique Abel & Fiona Gordon : « ce qu'on fait en réalité, c'est du théâtre à l'écran »

Clowns à l'écran et sur les planches, le duo Abel & Gordon se balade aux quatre coins de la capitale, occasion idéale pour tous les hommages et toutes les rencontres. Cartographie d'un univers partagé qui rend la réalité si triste et les pitres si beaux.


Avez-vous essayé de retrouver la fibre unique du réalisme poétique ?
Dominique Abel :
On s'inspire de ces films, même si on a trouvé nos propres lieux, qui dégagent une magie bien particulière : je pense à cette statue de la Liberté qui a été un vrai cadeau du ciel. L'idée de mettre un SDF qui plante sa tente à ses pieds, c'était chouette. On a été nourri par plusieurs styles différents, mais on adore le burlesque : Max Linder, Buster Keaton, Charlie Chaplin, Laurel et Hardy, ou les créateurs plus contemporains comme Kaurismäki. Mais nos goûts sont plus larges que ça.

Emmanuelle Riva était-elle l'une de ces références ?
D.A : On ne l'avait jamais vu dans un autre registre que celui du drame. Elle était très curieuse, vivante avec le rire incroyable d'une jeune fille de 14 ans. Elle faisait beaucoup de théâtre et nous, ce qu'on souhaitait, c'était de répéter pour atteindre une mécanique propre à notre jeu. À ça, elle nous a dit non tout de suite : ce qu'elle fait pour le théâtre, elle ne l'applique pas au cinéma pour avoir de la spontanéité et être authentique. Sur le tournage, elle était dans la construction constante, dans une quête de perfection.

Ce goût pour la répétition vient-il de votre expérience théâtrale ?
Fiona Gordon : On revendique ce lien entre les deux médiums. On ne le renie pas, comme ça se fait souvent. Les acteurs qui passent du théâtre au cinéma veulent changer les codes. Ce qu'on fait en réalité, c'est du théâtre à l'écran. Mais notre méthode de travail nous permet de travailler de cette manière. Que ce soit mauvais ou non, on essaie. On se laisse juger après. Parfois, une idée que j'imaginais nulle au théâtre, en la faisant, je me rends compte qu'elle est bien au cinéma.

D.A : Quand on écrit en répétition, on s'envoie des emails pour pas qu'il y ait de confrontation directe. On a toujours des désaccords, mais pas sur le fond. Je pense qu'on est touchés par la même chose et qu'on la cherche ; sinon on serait pas ensemble. Ce qui a nourri tout le début du cinéma c'est quand les clowns se sont emparés de la caméra dans la grande période burlesque. On a décidé de filmer des clowns cabossés, ce qu'ils sont tous. Un clown, c'est juste l'histoire de quelqu'un qui se relève.


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