Le 6e Continent dans une impasse

Confrontée aux baisses de subventions, l'équipe de 6e Continent menée par son emblématique directeur Mohamed Sidrine tente de trouver des solutions. La mairie est à l'écoute, mais souhaite un projet revu et corrigé.
 


C'est un lieu emblématique et fondamental pour la culture comme pour la diversité, dans le 7e arrondissement de Lyon, qui est actif depuis 2004 dans des locaux ayant autrefois hébergé le mythique collectif Frigo. C'est encore un festival depuis bientôt 19 ans et une première édition au Pez Ner à Villeurbanne, maintenant installé du côté de Gerland, depuis 2002. Mais l'association 6e Continent est aujourd'hui dans une impasse.

Les comptes sont au plus bas : le budget de l'association autofinancée à 80% est dans le rouge, depuis que la Région mais aussi l'État se sont désengagés. Comme nous l'expliquions ici, la Région a retiré ses 15 000€ annuels, subvention versée pour le fonctionnement de la salle. Et a diminué son apport au festival de 5000€, accordant désormais 10 000€ à l'événement qui se tiendra du 1er au 3 juin, où sont d'ores et déjà programmés Imhotep (IAM), Kanka, DJ Click et Les Ramoneurs de Menhirs. Le cabinet de M. Wauquiez a bien envoyé un email le 9 février dernier à M. Sidrine pour promettre un prochain rendez-vous, mais sans lui indiquer de date pour l'instant. 

L'État de son côté a ôté les 30 000€ qui étaient versés à moitié pour le festival et à moitié pour la salle dans le cadre du projet "politique de la ville"Mais le quartier de la Guillotière ne fait plus partie de ce dispositif, entraînant le retrait automatique de la subvention accordée à l'association 6e Continent.

Du côté de la mairie centrale, Georges Képénékian est conscient du problème : « M. Sidrine m'a fait savoir qu'il avait des difficultés. On a déjà tiré 6e Continent deux fois d'affaire. Il y a deux choses : la salle et le festival. Ce lieu est très important, Myriam Picot et Romain Blachier sont très attentifs au rôle d'agitateur culturel, dans le bon sens du terme, qu'il permet. Après, il y a le festival : il y a deux ans ils ont bu le bouillon à cause de pluies diluviennes... Là, la Région et l'État se sont retirés. Je n'avais pas prévu ça. Le tiroir caisse, il est malade. Et jusqu'à quel point on va compenser en permanence quand l'État et la Région se désengagent, est-ce que la ville doit systématiquement compenser ? On ne va pas y arriver. Il y en a d'autres que 6e Continent. C'est un sujet important qui va nécessiter de repenser le dispositif d'aide des salles et des festivals. »

La Ville veut un projet repensé

Rebaï Mehentel, président de l'association 6e Continent, a rencontré le 17 février M. Képénékian, sans son directeur Mohamed Sidrine. Le premier adjoint souhaite « qu'un fonctionnement différent et un projet différent » soient initiés avant de s'engager sur la suite, même si la subvention municipale a été reconduite en janvier dernier. Ce projet différent pourrait-il être mené sans son directeur emblématique ? Mohamed Sidrine nous répond : « Et confier le lieu à qui ? Il faudrait trouver quelqu'un qui accepte de reprendre une salle avec 50 000€ de dettes. Je l'ai porté pendant 17 ans, y passant 70h par semaine... Le festival m'intéresse, la salle encore plus : c'est là où l'on peut développer des projets à l'année. » Mais M. Sidrine, lucide et conscient des difficultés d'un lieu qu'il porte à bout de bras depuis le début, ne s'accrochera pas coûte que coûte à sa direction.

Romain Blachier, adjoint à la culture du 7e, indique « qu'il n'y a pas de démarche de notre côté pour pousser Mohamed Sidrine vers la sortie. Mais on veut que le festival et le lieu évoluent. » Dans les couloirs de la mairie, certains regrettent ainsi que la programmation de la salle tourne « en boucle » depuis trois ans, avec souvent les mêmes artistes, sous-entendant que M. Sidrine après tant d'années et d'efforts ne serait plus à même de porter le renouveau : « ce lieu était passionnant il y a dix ans, il pourrait l'être encore aujourd'hui » nous déclare un proche du dossier.

De son côté, M. Blachier préfère insister sur les succès : « L'événement Tous à la Guill', c'est absolument génial, une vraie réussite, comme le festival, même si ce dernier pourrait être encore plus costaud aujourd'hui. » Labellisée Scène Découverte par la mairie en 2009, 6e Continent est aujourd'hui à un tournant. Son directeur, Mohamed Sidrine, qui a été fait Chevalier de l'Ordre du mérite en novembre dernier, ne se verse plus de salaire depuis trois mois pour pouvoir continuer à payer ceux de ses quatre salariés et poursuivre l'activité. Il serait temps de trouver une solution.


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