"MayDay" au Célestins : les plaies de mai

Toujours à la traque des sentiments, Julie Duclos adapte un tragique fait divers britannique, avec moins de consistance que Nos serments mais toujours autant de maîtrise.


À n'en pas douter, les actrices de Mayday seront plus à l'aise sur le plateau des Célestins que dans l'immensité de la Colline, où la pièce fut jouée très récemment après sa création à Rouen en février. Elle fût là-bas quelque peu noyée, notamment dans ce décor d'une maison en lambeaux qui certes symbolise la vie chaotique de la protagoniste, mais ne sert pas nécessairement le propos reposant essentiellement sur la force de deux des quatre interprètes.

Marie Matheron est cette femme qui, à dix ans en 1968, dans la banlieue de Newcastle, a étranglé deux petits garçons de quatre et trois ans. Jugée comme une adulte, condamnée à perpétuité et libérée à vingt-trois ans, elle n'est en fait « jamais vraiment » sortie de l'enfermement. Reste alors à expliquer, même maladroitement. Dorothée Zumstein s'est inspirée de ce récit tragique, relaté par une journaliste qui avait suivi le procès. Elle en exhume un texte à quatre voix qui permet à Julie Duclos de se glisser dans les interstices pour fusionner l'image vidéo et la scène théâtrale, ce qu'elle était déjà parvenue à faire avec une fluidité étonnante dans Nos Serments en 2014 ; cette jeune diplômée du Conservatoire national de Paris avait su prolonger la logorrhée de La Maman et la putain dans de courts films qui prolongeait et renforçaient les gestes.

Mal-aimée

À nouveau, elle parvient à emmener la sphère privée dans un espace plus vaste et plus respirable. Comme lorsque la mère (fantomatique et désincarnée) de cette enfant la promène sur le pont de fer dont elle lui parle. De cette sombre histoire dans laquelle les atteintes faites aux (et entre) femmes se répercutent de mère en fille (inceste, prostitution...), et où un intriguant cahier noir sert d'objet transitionnel de la violence, Julie Duclos fait une fable sèche, d'où aucune émotion n'émane vraiment.

Le sujet n'y invite pas. Tout est à l'os, rendant de facto le texte encombrant lorsqu'il se fait parfois simpliste et psychologisant. La juste partition, toute en rupture et rigueur, d'Alix Riemer en fait un contrepoint presque lumineux lorsqu'elle permet, en traversant la scène à coups de cris et de petits sauts, de faire émerger l'enfance faussement insouciante de cette meurtrière qui était aussi – fatalement – une petite fille née sur une terre socialement et intimement dévastée.

MayDay
Au théâtre des Célestins du 21 au 25 mars


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