La Renaissance des Muses de l'Opéra

Fermé en 2012, l'ascenseur qui mène derrière les Muses rouvre pour seulement trois mois. Il faut se dépêcher de l'emprunter, pour aller boire un verre, grignoter les produits sélectionnés par Deux Filles en Cuisine et profiter de la terrasse panoramique.


Les muses des arts, ces filles de Zeus qui ornent la façade de l'opéra, alimentent les rumeurs. Pourquoi l'architecte,  Antoine-Marie Chenavard, n'en a choisi que huit ? La poésie, la musique, l'élégie, la tragédie, la danse, la comédie et même l'Histoire et la rhétorique, d'accord (Calliope, Euterpe, Erato, Melpomène, Terpsichore, Thalie, Clio et Polymnie). Mais il manque Uranie ! On a dit que, pour des raisons d'harmonie, et donc de symétrie, le bâtisseur a sacrifié l'astronomie. Car elle a peu à voir avec le théâtre, et parce qu'Uranie trônait déjà sur la place des Cordeliers (avant d'être décapitée par les Canuts, puis détruite en 1858).

La vie de muse, c'est difficile. Les huit élues se trouvent désormais à la base du dôme, créé par Jean Nouvel. Et dans leur dos, éclairé de rouge, se trouve le petit restaurant que l'architecte avait aménagé pour, en 1994, le grand cuisinier Philippe Chavent. Malgré ses qualités (des chefs de renom comme Daniel Ancel, sa terrasse, son panorama), le restaurant, tel Uranie, se cassa la figure, ferma en 2012 et ne trouva personne pour le relever. Sans qu'on ne comprenne exactement : pourquoi ?

La restauration à l'Opéra a été confiée il y a trois ans à Davia Chambon et Sophie Lauzet, les Deux Filles en Cuisine des pentes de la Croix-Rousse. Ce sont elles qui concoctent les cartes des bars, les dîners d'entracte et du Péristyle, le café jazz estival. Depuis qu'elles dirigent les cuisines de l'Opéra, tout y est fait sur place à partir de produits frais. Pourquoi des cuisinières aussi talentueuses - il faut avoir goûté leur pot-au-feu de canard,  rue des Tables Claudiennes - n'avaient pas encore fait rouvrir les Muses ? L'affaire a l'air complexe. Mais toujours est-il qu'elles ont été chargées d'en assurer l'ouverture éphémère, du 9 mars au 27 mai. Pour ce qui ressemble follement à un galop d'essai.

On accède directement aux Muses via un ascenseur, sans arrêt. On découvre une salle étroite, noire du sol au plafond, toute en longueur et entièrement vitrée. Elle est doublée d'une terrasse située juste derrière les statues. L'ensemble a été remeublé par Tolix. On n'y dîne pas, pour l'instant, mais on y apérote. La carte est très courte. On y trouve deux vins rouges, deux vins blancs, dont l'excellent Chablis des De Moor, la bière du Pilat à la pression, les jus de fruit de Patrick Font.

À grignoter, quelques propositions réalisées sur place (houmous ou boulettes de viande, savoureuses quoi qu'un peu sèches, à tremper dans un bon ketchup). Et d'excellentes choses chinées ailleurs, comme les fromages du BOF de la Martinière ou les charcuteries de Sibillia. Le tout est servi dans des cagettes en bois, avec une montagne de pain.

Tout est très bon, les tarifs seraient honnêtes, si le service n'était pas aussi laborieux. Les commandes et leur réception s'effectuent uniquement au comptoir, et le personnel est peu nombreux. En ce premier mois d'ouverture, la machine cafouille encore et ça se sent. Encore une fois, on peut voir ça comme un essai (si l'expérience devait se pérenniser) ou comme un appât (pour qu'un cuisinier star se relance dans l'aventure).

En attendant de connaître la suite de l'histoire, apprécions  de pouvoir boire un verre à l'ombre des muses, avec vue directe sur Fourvière et les salons de l'Hôtel de Ville.

Les Muses de l'Opéra
Place de la Comédie, 1er
Du jeudi au samedi de 18h30 à 23h30
Bière 3, 5€ ; jus de fruit 4€ ; champagne 12€ ; planches 6-8€


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