Ne pas louper Lupa


En ces temps de campagne électorale lamentable, où parmi bien d'autres inepties, le mot "culture", qui apparaît bien rarement, correspond à un chèque de 500€ à la majorité des jeunes français, peut-être que l'acte plus fort vient du TNP.

Hasard du calendrier d'une tournée bien étoffée (In d'Avignon cet été, festival d'automne parisien...), Place des héros débarque du 6 au 13 avril dans l'arène de Roger Planchon. Oui, cette pièce est mise en scène par un polonais, Krystian Lupa, se joue en lituanien par des élèves du théâtre national de Vilnius, dure quatre heures et comble de la démagogie : nous ne l'avons pas vu.

C'est pourtant là qu'il faut aller, car la culture n'est pas nécessairement facile d'accès et loin de nous l'idée masochiste que plus c'est obscur et difficile, meilleur c'est. Mais réside ici la promesse d'être percuté, dérangé et heureux. Parce que c'est un texte - son dernier, en 1988 - de l'indispensable Thomas Bernhard, observateur cynique, cruel et infiniment juste de son Autriche au XXe siècle. Parce que Krystian Lupa, du haut de ses 73 ans, est capable de sonder ce qui ne se dit pas. Parce que cette pièce narre, dans un décor banal et quotidien, le retour d'un vieux professeur juif qui se suicide sur cette place des héros où Hitler fut acclamé pour l'Anschluss et que Bernhard questionne l'antisémitisme de ses compatriotes peut-être plus profond encore après la guerre.

À quoi ressemble un peuple ? Comment se faire une place dans une société vérolée ? Éléments de réponses au TNP.


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