Des outils et des hommes

Neuf ans après un passage mémorable, le groupe berlinois Einstürzende Neubauten, phare de la scène expérimentalo-industrielle et créature fracassante de Blixa Bargeld revient à Nuits Sonores avec armes, bagages et peut-être engins de chantiers. Chaussures de sécu et casques conseillés.


« Un groupe folk. » C'est ainsi qu'à ses débuts en 1980, le leader et fondateur d'Einstürzende Neubauten, Blixa Bargeld, également guitariste des Bad Seeds, qualifiait la musique de son groupe. Une provocation peut-être, une coquetterie sans doute, visant également à repousser de toutes ses forces l'étiquette "indus" que les critiques voulaient accoler à son groupe. Sauf que Bargeld s'expliquait : si EN était folk – et un peu volk – c'était parce que sa musique était en prise avec le mode de vie de ceux qui la font.

C'est en effet quasiment par nécessité (pas un sou en poche), que le groupe en vient à remplacer certains instruments par des objets usuels, des morceaux de métal, de la viande (quand on tape dessus, ça fait du bruit) ou des field recordings (des plus bruyants aux plus subtils). De l'outil en tout genre, et du gros avec ça, du Casto, du matériel de chantier – de là viendra cette assimilation à la musique indus : bétonnières, scies circulaires, perceuses, tronçonneuses (le batteur F.M. Einheit s'ouvrira la jambe avec l'une d'elle lors d'un concert aux États-Unis, ce qui arrive plus rarement avec une cymbale). Et même des cocktails molotov, négligemment jetés au public.

Dil(l)etantes géniaux

Mais derrière la violence et la dinguerie apparente du groupe, les anecdotes toujours savoureuses – en 1980, "Les nouveaux bâtiments effondrés" (nom du groupe en français), voient le toit de la Kongresshalle de Berlin... s'effondrer sur un de leurs concerts – se niche chez les Einstürzende Neubauten une véritable recherche musicale dans le champ de la musique concrète, sous l'influence d'un Pierre Schaëffer mais aussi des dadaïstes ou de Joseph Beüys – ils s'inscriront ainsi dans un courant dit des "dilletantes géniaux" (avec deux "l").

Puis viennent dans les 90's, les détours vers la pop qui les verront par exemple se rapprocher de U2 pour une tournée qui tourne au désastre lorsque face à l'hostilité du public, Einheit, toujours lui, balance une barre de métal dans la foule. Ce virage esthétique, sur lequel le groupe reviendra, est à l'origine de l'éclatement de son line-up, Einheit, décidément, déplorant que les « nouvelles constructions ne s'effondrent plus. »

Quoi qu'il en soit, près de quarante ans après sa création, le bâtiment Einstürzende est toujours debout, toujours aussi redoutable en concerts (prévoir un casque), référence absolue du rock expérimental, et malgré lui de l'indus.  

Einstürzende Neubauten
Aux Anciennes usines Fagor-Brandt (halle D) le samedi 27 mai de 22h à 23h


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