Wax, de l'art de malaxer

Changer d'état. La question est plus que d'actualité, mais c'est avec de la cire passant de liquide à solide que Renaud Herbin convoque la métamorphose dans "Wax". Jolie parabole accessible dès la prime enfance.


Dans le paysage théâtral français, une trentaine de centres dramatiques nationaux quadrillent le territoire. Seuls deux d'entre eux sont dédiés au jeune public : le TNG qui accueille enfin avec Wax le second, qui est le TJP de Strasbourg. Son directeur (depuis 2012) Renaud Herbin, spécialiste ès marionnettes - le TJP étant fléché théâtre d'objets – parvient à pousser cet art vers la matière.

Pas de petites figurines manipulables par des fils, mais une matière à transgresser comme le fait également Johanny Bert avec des post-its ou de la mousse. De la cire renversée et figée sur une toile plastifiée mise à l'horizontale est prétexte à évoquer la distorsion. Rien ne tient bien en place sur le plateau, à commencer par la comédienne, Justine Macadoux (diplômée, comme Renaud Herbin, de l'École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières).

Elle se tord, tente de rester en équilibre, portant ce spectacle créé en octobre dernier aux confins du théâtre et de l'art plastique, mais aussi de la danse. Elle ne rentre pas dans ce cadre qu'elle évoque. Et lorsque, jouant des ombres de cette toile, elle tente d'entrer en elle et d'en épouser les contours, elle offre cette image étonnante de gestation inversée, un bébé qui retrouverait le ventre de sa mère, son premier refuge.

Fondu au jaune

Dans ce travail de trente minutes qui s'adresse aux enfants de 3 ans (et plus !), il n'est pas toujours aisé de trouver sa place d'adulte (des gestes accentués, des onomatopées très appuyées). C'est quand le metteur en scène propose des séquences plus sensuelles qu'il parvient à émouvoir vraiment, comme lorsque la comédienne glisse sa main sous la grande tâche de cire.

Son personnage ne construit alors plus un discours, il n'est que dans le ressenti, la sensation, contrairement à la découverte de la notion de pouvoir subodorée plus tôt : des bonshommes de cire sont alors démultipliés et gare à celui dont la tête dépasse. Renaud Herbin se joue de la réification et de la norme pour aller vers l'altérité et si les enfants présents ne se rendent bien sûr pas complètement compte qu'ils ont affaire à ces grands concepts, il leur reste ce désir de manipuler la cire – que l'on peut toucher à la fin – et ce plaisir de se transformer, de jouer avec des masques comme la comédienne qui, sa tête enfouie dans son immense tâche, lorgne vers un Elephant man qui ne dit pas son nom et flirte avec celui de Lynch.

Wax
Au TNG-Vaise jusqu'au dimanche 21 mai


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