Littérature nourricière


Le Prix Goncourt parfait. Leïla Slimani, qui a obtenu avec Chanson douce la précieuse distinction l'automne dernier, signe un roman aux confins d'une littérature grand public et d'une autre pour les connaisseurs, souvent opposées, à tort.

Avec des phrases courtes, des premières lignes qui anéantissent tout suspense (une nourrice vient de tuer les deux enfants qu'elle gardait), la jeune auteur de 35 ans chemine à rebours dans la vie ordinaire d'un couple parisien. Il est producteur de musique, elle veut reprendre son travail d'avocate après la naissance d'Adam. Ils trouveront la perle rare, Louise.

Et puisqu'elle sait tout faire avec plaisir (coiffer Mila, cuisiner, aller au parc...), elle, l'employée, sera même du voyage en Grèce, avec ses patrons ; sachant tout de cette famille qui ne sait rien d'elle. Chaque soir elle quitte les beaux quartiers du 10e arrondissement pour retrouver une vie moins reluisante.

C'est la grande force de ce livre : ne pas être qu'un fait divers, mais un roman social, celui d'une véritable lutte des classes qui, à force de violence – même sourde comme ici – finit par exploser et engendrer la mort. Implacable comme une colère que plus rien ne peut freiner, cette Chanson douce, a-t-on-appris en mars, sera adaptée au cinéma. Espérons que Maïwenn qui en sera aux commandes ne rajoute pas de l'hystérie inutile à ce livre impeccablement maîtrisé.

Leïla Slimani
Jeudi 1er juin aux Subsistances, dans le cadre des Assises du Roman


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