La tête en Bats

Éminents représentants du très culte label néo-zélandais Flying Nun, The Bats, 35 ans et une inspiration toujours au top, viennent présenter au Sonic leur récent album, The Deep Set, impeccable collection de preuves que les chauves-souris sont immortelles.


Au commencement est le "son de Dunedin", bourgade isolée de l'île sud de la Nouvelle-Zélande, dernière marche du monde avant le vide austral où tout a des airs d'Écosse qui vivrait la tête en bas. Le milieu îlien fabriquant souvent ses propres créatures, le "Dunedin sound" est le fruit d'une génération spontanée poussée dans l'engrais d'influences punk (Stooges, Velvet, The Fall), de psychédélisme et de jangle pop, ce son de guitares carillonnantes inventé par les Byrds, mais qui, isolement oblige, a su garder ses caractéristiques propres : une inclination à la mélancolie, mais qui laisse passer la lumière (l'effet sans doute d'une météo pouvant passer en quelques secondes du plein soleil au déluge), une certaine folie créative aussi (dans les environs, il suffirait de se baisser pour trouver un champignon hallucinogène).

Lorsqu'un certain Roger Shepherd fonde à Christchurch le label Flying Nun en 1982, il jette son dévolu sur ces jeunes gens qui pour autant sont loin de se ressembler. Avec le très flippant Chris Knox, parrain maboule de cette scène avec ses Tall Dwarfs, en guise de tête de gondole, Shepherd bâtit ses premiers succès grâce à The Chills ou The Verlaines, mais surtout The Clean, dont le bassiste, Robert Scott, dirige également The Bats, l'une des plus belles prises pop de Flying Nun. La plus mélodique sans doute.

Claudine

Rapidement, sur la foi de quelques EPs, le groupe se retrouve à tourner en Europe avec l'ex-Big Star Alex Chilton et reçoit l'onction du NME. De leur (tardif) premier album, Daddy's Highway (1987) – chef d'œuvre – au cinquième, Couchmaster (1995), tous sur Flying Nun, le succès critique des Bats n'a d'égal que leur influence décisive sur des R.E.M. ou des Pavement.

Et lorsque le groupe s'interrompt en 1995 pour raisons familiales, on se dit alors que restera au moins le souvenir de chansons inoubliables comme Made up in blue, Block of Wood ou Claudine. Sauf qu'en 2005, les chauves-souris ressortent de l'ombre, avec un line-up inchangé, renouant même avec Flying Nun, devenu un mini-nabab du rock-indé, sur leur deux derniers albums en date Free All the Monsters (2011) et The Deep Set (2017).

Deux disques empreints d'une légèreté, d'une mélancolie et d'une grâce (Rooftops est peut-être l'un des plus beaux titres de ce début d'année) qui défient le poids des années comme on trompe la pesanteur. Et donnent par là même comme un goût d'éternité à la fascinante énigme du "Dunedin Sound".

The Bats + Tôle Froide
Au Sonic le mercredi 31 mai


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