De l'agitation à l'Opéra

Les notes de frais de Serge Dorny ont été dévoilées et épluchées par le pure player Médiacités. Une partie des salariés s'est offusqué de leur contenu, dans un communiqué.


Voici donc que surgit une nouvelle affaire de notes de frais dans le milieu de la culture lyonnaise. La seconde en quelques mois : la Chambre Régionale des Comptes avait déjà épinglé la gestion manquant de rigueur de Guy Walter (directeur de la Villa Gillet), entraînant un resserrement du budget de cette structure par les collectivités locales.

Cette nouvelle histoire de notes concerne cette fois Serge Dorny, le directeur de l'Opéra de Lyon. C'est un tout nouveau pure player, Médiacités, qui a révélé l'affaire le mardi 9 mai, signant avec éclat son lancement entre Rhône et Saône, en mettant en ligne une enquête consécutive à l'épluchage de 3500 copies des notes de frais du directeur.

Premier constat : les autorités de tutelle sont encore prises au dépourvu. Suite à la première affaire, il ne semble donc pas qu'un audit sur les notes de frais des grandes structures subventionnées ait été réalisé, visant à clarifier et encadrer le fonctionnement de ces frais, nécessaires à la bonne marche des ces maisons il est vrai, mais apparaissant ici dénués de transparence selon certains salariés de l'Opéra qui dénoncent aujourd'hui dans un communiqué : « À l'heure où notre société exprime un fort désir de moralisation des dépenses publiques, les personnels, eux-mêmes soumis à des règles, exigent qu'il en soit de même pour les cadres dirigeants afin d'empêcher de tels abus. »

Second constat : l'ambiance dans cette grande maison qu'est l'Opéra s'est encore alourdie depuis une semaine. Les conditions de travail au sein de l'institution sont remises en question par ce communiqué. Mais le principal point de discorde, c'est le double discours : quand le directeur demande à ses équipes d'économiser sur tout et partout, difficile ensuite pour eux d'accepter que ce dernier ne montre pas l'exemple, dit-on à l'Opéra où certains envisagent une grève en réaction.

Selon Médiacités, les frais de Serge Dorny s'élèvent à 8000 euros par mois, en moyenne, sur la période allant de 2013 à 2015. Il y a les notes de restaurants, d'hôtels, de déplacements. Certaines qui peuvent se comprendre : on se doute que Robert Badinter (à qui M. Dorny avait commandé un livret d'opéra) ou Kazushi Ono (le chef sur le départ) sont invités à de grandes tables - La Mère Brazier et la Brasserie Nord sont citées. Que les grands interprètes sont aussi soignés, à table ou par des cadeaux : mais quelle est la mesure, quelles sont les règles ? Médiacités cite également des hébergements dans des palaces cinq étoiles pour le directeur lui-même, et évoque le cas d'un séjour de trois jours à Madrid en décembre 2014, non expliqué dans les documents, contrairement à d'autres déplacements, sinon par la mention “rendez-vous divers”.

La Ville de Lyon a récupéré dans la foulée des révélations de nos confrères les archives des frais de M. Dorny : la suite de cette enquête interne dira si malversations il y a eu, ou si la direction est en mesure de lever les doutes.

Serge Dorny a réussi sans conteste possible à redorer le blason de sa maison, depuis son arrivée en 2003,  obtenant le titre de “Meilleure Maison d'Opéra de l'année 2017”... deux jours avant les révélations. Les coproductions internationales sont à mettre à son actif et les déplacements à l'étranger nécessaires pour les conclure, justifiant en partie des dépenses pouvant paraître importantes. Mais il manque probablement un cadre clair à ce fonctionnement, que les autorités de tutelle (Ville, Métropole et Région en tête) vont devoir s'atteler à poser pour éviter les potentielles dérives, comme les suspicions.


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