Harry Parker : les choses de la vie

Vétéran d'Irak et d'Afghanistan lourdement blessé au combat, le britannique Harry Parker, invité des AIR, a fait de son expérience un livre magnifique, où la tragédie de la guerre et le destin du soldat meurtri revenant à la vie ont pour narrateurs 45 objets qui en ont été les témoins.


Nous sommes le 15 août 2009 sur un théâtre d'opération jamais nommé. Il est 6h18. Le matricule BA5799, capitaine de l'armée d'occupation britannique est « soulevé dans le ciel. » Il vient de marcher sur une mine artisanale. Sa vie, qui ne tient plus qu'à un fil, ne sera plus jamais la même. Il s'appelle Tom Barnes et luttera des semaines contre la mort, sujet à de multiples opérations et amputations avant de réapprendre doucement à vivre.

Tom Barnes c'est Harry Parker, l'auteur d'Anatomie d'un soldat, lui-même vétéran britannique de l'Irak et de l'Afghanistan, victime d'une mine, lourdement amputé, mais sauvé. Son expérience, terrible, Harry Parker a voulu la transcender sous une forme romanesque qui vaut tour de force.

Toute l'histoire d'Anatomie d'un soldat, qui se divise en trois sections entremêlées – la vie de Barnes sur le lieu du conflit jusqu'au drame autour duquel tourne le roman, celle des insurgés en lutte, puis la convalescence, la renaissance dans un "autre" corps à la fois diminué et augmenté – est racontée du point de vue non pas de Barnes, ni d'un tiers narrateur unique mais par le prisme de 45 objets témoins : le garrot qui l'a empêché de se vider de son sang, le sac à main de la mère de Tom, une pile, un gilet pare-balle, la basket blanche d'un insurgé, une carte aérienne, un tapis persan, différentes prothèses, jusqu'au champignon responsable d'une infection et à la bombe dont le souffle traverse le soldat.

Le parti pris des choses

Une prosopopée en 45 chapitres qui à la fois découpe et assemble le récit, le refermant sur lui-même, dans laquelle les objets ne parlent pas au sens propre du terme, mais disent, décrivent, s'adressent parfois au matricule BA5799, le connaissant parfois intimement, qu'ils constituent l'attirail sans lesquels le soldat est nu, vulnérable, rien qu'un homme quand il faudrait être une machine objectivée incluse dans une système plus vaste d'appareils à matricule, ou objets sans lesquels il ne serait même plus un homme.

Harry Parker livre un premier roman d'une précision chirurgicale et jamais manichéen sur la guerre et le fait d'en être victime avec une pudeur que lui décrit comme ataviquement britannique. Mais qui est sans doute davantage le fait d'un (déjà) grand écrivain à la subtile sensibilité.

Harry Parker : un romancier en prise avec la guerre
Aux Subsistances le vendredi 2 juin

Anatomie d'un soldat (Christian Bourgois)


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