Françon, en grande forme

Il sera au TNP cette semaine avec Qui a peur de Virginia Woolf ?, il était la semaine dernière l'invité d'honneur du festival Théâtre en Mai à Dijon. Le metteur en scène Alain Françon, 72 ans, y évoquait les auteurs très divers qu'il a monté et le théâtre d'aujourd'hui. Écoutons-le.


L'aventure d'Alain Françon au théâtre commence vraiment au début des années 70 à Annecy avec le Théâtre Eclaté. Un collectif d'une autre époque, moins institutionnalisée qu'aujourd'hui, faite d'agit-prop et de distribution de tracts pour une révolution marxiste-leniniste, se souvient-il en riant le 21 mai dernier, en répondant aux questions de l'universitaire Olivier Neveux à Dijon.

Françon travaille alors avec les acteurs Christiane Cohendy, André Marcon, Évelyne Didi : « il n'y avait pas de hiérarchie entre nous et je suis devenu naturellement metteur en scène », alors qu'il a une formation d'historien de l'art. Ce théâtre éclaté l'était par rapport à la forme (la pièce sans texte de La Farce de Burgos, d'après le récit de Gisèle Halimi du procès de Franco fait aux militants basques), par rapport aux lieux où ils jouaient (partout sauf dans les théâtres, ou presque).

Puis Françon enchaîne les directions de lieux : le théâtre du 8e à Lyon, où il succède à Jérôme Savary en 1989 et où il entre en conflit avec le maire Michel Noir, qui veut utiliser la salle pour des concerts de type Nicoletta. Françon retourne à Annecy et crée le CDN de Savoie, alliances des deux scènes nationales de Savoie et Haute-Savoie. Direction le théâtre national de la Colline ensuite, de 1996 à 2010. Très tôt, il monte deux auteurs majeurs et radicalement différents, Michel Vinaver et Edward Bond, dont la trilogie des Pièces de guerre.

Vinaver

« Je l'ai rencontré à Annecy, il venait d'écrire La Demande d'emploi. Ça nous a fait rire avec le Théâtre Eclaté. On se foutait de ce texte sur les problèmes d'un cadre. Mais avec lui, j'ai appris à lire, à respecter le texte et à laisser faire la pièce. Vinaver est un homme de biais, pas frontal, il n'y a pas de hiérarchie dans ses thèmes. C'est très tchékhovien. Il n'y a pas de volonté déclaratoire chez lui, il ne cherche pas déplacer le spectateur, juste un peu. C'est le contraire de Bond. »

Bond

« J'avais voulu monter La Compagnie des hommes sans la comprendre vraiment car quand je lis cet auteur, c'est un dépaysement avec une situation extrême de non-lieux (espaces vagues, no mans land...) que je ne connais pas. Je ne m'interdis donc pas de créer des scènes. Contrairement à ce que l'on dit, les pièces de Bond ne sont pas violentes, mais il montre le mécanisme de la violence. »

Le théâtre aujourd'hui

« Je veux plus de complexité, je flippe à l'idée de m'éloigner de "l'étrange simplicité" de Freud. Mais cette simplicité ne se donne pas tout de suite faute de quoi ce serait de la simplification. » Et de pointer la « familiarité » qui pollue le théâtre actuel. De quoi réaffirmer pour lui la primauté de la forme : « si on trouve les vraies formes, quelque chose se déclenche chez les spectateurs ; le contenu devient évident et admissible, les gens continuent à y réfléchir. Le problème est lorsque la forme obstrue tout. »

Qui a peur de Virginia Woolf ?
Au TNP jusqu'au 3 juin


<< article précédent
On vous ment ! Le rendez-vous du documenteur