Nobody knows

Son nom est Personne. Et probablement que le nôtre aussi. Dans cette performance filmique captant un open space déshumanisé, Cyril Teste renvoie dos à dos et face caméra celles et ceux qui travaillent, ordonnent, obéissent. Vertigineux.


C'est en pente ascendante que se termine la saison des Célestins et du TNG avec Nobody, spectacle co-accueilli qui a déjà traversé la France entière depuis sa création au Printemps des Comédiens de Montpellier en juin 2015, d'après les textes du dramaturge allemand Falk Richter. Adepte de l'utilisation de la vidéo pour grands et petits (voir son délicat Tête haute), Cyril Teste a embarqué toute la promotion de l'École nationale supérieure d'art dramatique de la ville héraultaise dans un espace de travail clos, mais entièrement vitré.

Jean Personne, consultant en restructuration d'entreprise organise la vie des autres, l'évalue et est lui-même noté par ses pairs, scruté, emprisonné dans cette bulle de verre qui sépare le public du plateau. À Noël, il est là et ne reçoit de courrier que de son conseiller financier. Et un appel de sa mère : « Comment ça va ? - Je sais pas, bien. » Cette réponse à double sens est l'essence du propos de cette création qui se fait miroir d'une société policée et, in fine, atrophiée.

Vernis transparent

En utilisant un espace de jeu classique qu'il réhausse d'un écran de cinéma sur lequel est projeté le film réalisé en direct par deux cadreurs et quatre caméras, Cyril Teste s'approche de ses personnages au plus près mais n'en tire finalement que peu d'informations tant il a construit leurs rôles comme des zombies. Ils ne savent pas ce qu'ils pensent, sont encouragés à ne pas penser et quand une comédie musicale se prépare pour agrémenter un séminaire, elle doit être « facile à comprendre et sans allusions à des partis politiques. » Va pour des histoires de « phoques sympas » et de pingouins sur patins à glace.

Ce constat violent de l'aseptisation du monde conduit à produire ce spectacle qui jamais ne craque. La révolution attendra. Même quand tout le monde a été viré sans cri ni larme, l'entreprise continue de vivre seule, comme une poule étêtée. Et la puissance de l'écran, qui agit comme un capteur magnétique détournant le regard du jeu qui se crée à l'étage inférieur, démontre que chacun est à même de se laisser bercer pour la restitution d'image de l'homme plutôt que de se confronter à l'homme-même.

Nobody
Aux Célestins du 13 au 17 juin


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