François Jolivet prend les rênes de l'Épicerie Moderne

Après treize ans de bons et loyaux services dont trois à la direction, Damien Debard n'est plus à la tête de l'Épicerie Moderne. C'est François Jolivet qui a repris la direction de la salle feyzinoise : nous sommes allés à sa rencontre.


Racontez-nous votre parcours ?
François Jolivet : J'ai démarré comme coordinateur dans un réseau régional du Nord-Pas-de-Calais en 2005, le RAOUL (Réseau Associatif des Organisateurs et Utilisateurs de Lieux). C'est l'équivalent de Grand Bureau. Ensuite, j'ai dirigé les 4 Écluses à Dunkerque : une salle de concerts, plus petite que l'Épicerie Moderne. C'est un lieu comparable dans sa gestion, un projet citoyen à la dimension culturelle très forte, avec des activités pour différents publics. Et surtout un soutien à la création et aux porteurs de projets artistiques.

D'autres similitudes entre les 4 Écluses et l'Épicerie Moderne ?
Les programmations sont à la fois voisines et différentes. La salle est plus petite à Dunkerque, avec un bassin de population de 200 000 habitants ; alors qu'ici, on est sur la troisième métropole de France. La salle des 4 Écluses est vraiment axée sur du jeune projet… mais voisine de l'Épicerie Moderne dans son éclectisme et dans sa volonté de porter des esthétiques "indé", de découverte et de diversité. La grande similitude entre les deux salles, ce sont les projets d'action culturelle.

Que connaissez-vous de Lyon ?
Pas grand-chose, je connais forcément l'OL sans être fan de foot… Je suis venu une paire de fois à Lyon, d'abord pour Nuits Sonores il y a quelques années et pour des vacances. Je commence à peu près à me faire à sa géographie et bien sûr, je connais son dynamisme : une ville avec un énorme brassage culturel, un foisonnement incroyable… Comme tout bon français qui se respecte, je connais surtout la gastronomie lyonnaise dont la réputation n'est plus à faire !   

Quelles particularités vous ont plu à l'Épicerie Moderne ?
Je fais ce métier-là d'abord parce que je suis passionné de musique. Et la programmation de l'Épicerie Moderne est remarquable, je pense que c'est un de ses points forts. On a une belle dimension artistique, qui se retrouve à tous les niveaux du projet. Aussi bien dans les groupes qui sont accompagnés, que dans sa communication, les projets culturels qu'elle porte… C'est vraiment le projet qui m'a plu. Je n'avais pas forcément d'attaches ou de nécessité de rapprochement familial.

Avez-vous des recettes qui fonctionnaient à Dunkerque, et que vous allez utiliser ici ?
Bonne question… Je viens d'arriver, j'ai forcément une expérience et un regard sur le fonctionnement de la structure. Je ne suis ni un révolutionnaire ni un tyran. L'idée, c'est déjà de voir comment tout cela fonctionne et d'essayer d'apporter mon expérience pour pouvoir optimiser le confort du public, des artistes et bien sûr celui de l'association et de ses bénévoles. J'ai une grosse expérience des réseaux, aujourd'hui je suis très content de lever un peu le pied sur cette partie-là. J'apporterais peut-être aussi ce regard sur la coopération, déjà très fortement ancrée à l'Épicerie Moderne. Je reste encore assez vague : je n'arrive pas avec des choses tranchées et radicales. Je suis plutôt dans une volonté de m'intégrer.

Quels sont vos goûts personnels ?
On va dire Tool, je suis fan de Prince, de funk, de rhythm'n'blues. J'adore le folk, j'aime beaucoup la pop…  J'ai vu Neil Young il n'y a pas très longtemps et c'était un vieux rêve. En live, je prends régulièrement de bonnes baffes. J'aime beaucoup Triggerfinger, j'aimerais bien voir Hurray for the Riff Raff, The Horrors. C'est marrant, on se dit qu'on parle souvent de musique mais quand on me pose la question de mes goûts, j'ai toujours du mal à sortir seulement quelques noms.

Votre conception d'un lieu de musiques actuelles ?
C'est un lieu de rencontres, accessible, un lieu de vie. L'un de mes rêves pour l'Épicerie serait d'en faire un lieu de vie quasi-quotidien, mais ça implique un énorme investissement. Je pense qu'ici à Feyzin, énormément de gens se croisent : aussi bien des gamins qui vont venir découvrir une esthétique, que des parents qui vont les accompagner, des artistes qui vont venir jouer, répéter, créer. C'est un lieu qui peut être incarné par des assos, par des partenaires et c'est ça ma conception d'un lieu culturel. Un lieu ouvert, qui concerne tout le monde. Il y a presque une forme d'utopie là-dedans, mais c'est un objectif qu'on ne doit pas perdre de vue. Une salle de concerts ne s'arrête pas à ses murs. Ce sont aussi des projets portés par des citoyens.

La programmation kids de l'Épicerie Moderne, cela rentre dans vos compétences et dans vos goûts ?
Enormément. La dimension jeune public est très importante. On l'a seulement évoqué pour l'instant, mais on voudrait apporter un projet de goûters-concerts : dans la mesure du possible, demander aux artistes qui jouent à l'Épicerie Moderne – plutôt les samedis du coup – de faire un petit set d'une demi-heure, ouvert aux familles. Souvent, dans le jeune public, les spectacles sont créés pour une tranche d'âge particulière : l'intérêt du goûter-concert c'est qu'on reste dans une démarche brute : l'artiste joue son répertoire même si c'est du métal, du punk ou du hardcore et ça permet d'y intégrer une dimension familiale.

Allez-vous garder la double casquette directeur-programmateur comme le faisait Damien Debard ?
Tout à fait ! Pour moi ça représente un enjeu intéressant et important, dans la mesure où je n'occupais pas les fonctions de programmateur aux 4 Écluses, même si je les suivais de près. Pas de changement de ce côté-là.


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