Lumière : et la couleur fut

La très réussie exposition consacrée aux frères Lumière s'installe dès cette semaine au Musée des Confluences, légèrement revisitée : une plongée dans l'histoire d'une famille, mais surtout aux origines du cinéma comme de la photographie couleur.


Évidemment ! L'on pénètre dans le dédale en gardant un œil sur l'une des trois vues de La Sortie de l'usine : comme au Grand Palais à Paris et comme à Bologne où elle a fait halte auparavant, l'exposition Lumière ! le cinéma inventé, s'ouvre par le premier film de l'Histoire, tourné à quelques encablures. Car enfin, la voici à la maison, cette exposition : « nous avions souhaité débuter à Paris, au Grand Palais, à proximité de là où a eu lieu la première séance publique de cinéma » explique Thierry Frémaux, le directeur de l'Institut Lumière, qui s'est mis dans la peau du guide le temps d'une visite. Sa verve légendaire trouve ici matière à faire feu de tout bois : tout dans cette exposition prête à l'anecdote, à la digression, au plaisir de conter cet éternel sujet pour nuits blanches qu'est le cinéma. Mais pas seulement.

Et c'est là, aussi, la grande richesse de ce rendez-vous avec le Musée des Confluences : la geste des frères Lumière ne se limite pas au cinéma. Frémaux le rappelle : « ils arrêtent le cinéma car ils pensent avoir rempli leur mission, et veulent inventer la photographie couleur. » Inventeurs, avant tout. Ce seront donc les autochromes qui suivront, offrant l'un des moments les plus émouvants mais aussi les plus décalés du parcours : l'impression alternée de pénétrer l'intimité d'une famille au début du 20e, certainement, mais aussi le sentiment d'être immergé dans la génération filtrée Instagram... Le procédé, breveté en 1903, était révolutionnaire : c'est le tout premier commercialisé permettant la photographie en couleur. D'une grande beauté formelle, ces autochromes offrent un peu plus loin des vues de Lyon, comme la montée de la Grande Côte.

Flash : à droite des premiers autochromes, un immense vitrail numérique projette 1422 films. L'intégralité de la production cinématographique des frères Lumière, sur un écran-monde où l'on découvre les vues familiales déjà fort connues (L'Arroseur arrosé, etc) mais aussi toutes celles tournées par les opérateurs autour de la planète. Vertigineux, et c'est l'une des principales nouveautés par rapport au Grand Palais (où cette partie passait plus inaperçue) et Bologne, où la projection était à l'inverse étirée en un long couloir d'écrans au sein duquel on se laissait égarer d'un film à l'autre. Mais sans provoquer le sentiment de vertige quasi mystique produit ici : « cette exposition n'aurait jamais été possible sans l'avènement du numérique », précise Thierry Frémaux. Et il faut rendre hommage à la scénographie imaginée par Nathalie Crinière, impeccable, avant de se retourner pour entrer dans le fameux Salon Indien du Grand Café, reconstitué : la première salle de cinéma et ses 33 fauteuils représentant les spectacteurs de la première séance publique, le 28 décembre 1895 (ils seront beaucoup plus nombreux par la suite, jusqu'à 2500 par jour).

Regarder, ensemble

Et malgré l'essor de Netflix et consorts, de la VHS et du DVD avant ça, ce que les Lumière ont inventé ce jour-là persiste encore : l'expérience collective face à un écran. Car comme le rappelle Thierry Frémaux, en cette année 1895, sont inventés et la technique (le cinématographe), et l'art (les premiers films, mais aussi les premières comédies, travelling, retransmissions sportives...), et sa pratique sociale (la salle de cinéma, donc).

Au fil du parcours, se mêleront différents médiums comme le Musée des Confluences sait si bien le faire : passé le premier film, on découvre la maquette des anciennes usines Lumière, on dissèque les innovations techniques de la fratrie, mais aussi tout ce qui les a précédé. C'est encore une place laissée aux contemporains devenus premiers cinéastes, Georges Méliès, Léon Gaumont et Charles Pathé dont on peut voir les œuvres. C'est une dernière salle, avec les photographies de Stephan Crasneanscki, qui se penche sur les archives de Jean-Luc Godard, magnifiques il est vrai mais plus incongrues ici. Avant qu'un dernier écran ne projette les remakes de La Sortie d'usine tournés par Tarantino & co, jusqu'à Catherine Deneuve. La première réalisatrice depuis les frères Lumière à tourner son premier film... dans cette rue du Premier Film.

Lumière ! Le cinéma inventé
Au Musée des Confluences jusqu'au 25 février 2018


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Archi beau