Le bagou de la Castafiore

Montrer sur scène les vicissitudes et les vices des divas de l'opéra. Voilà une mise en abyme ludique de Gaetano Donizetti qu'on dirait écrite pour Laurent Pelly. Le metteur en scène s'en empare avec son éternelle gourmandise.


Même le vieux théâtre a été envahi par un parking. Quelques petites voitures de ville rutilantes sont garées entre les poteaux soutenant les balcons et corbeilles... Le décor est symbolique d'un univers qui part à vau-l'eau. Rien ne va plus. C'est ici que se répète Romulus et Ersilia, jusqu'à ce que débarque la Mamma exigeant que sa chanteuse de fille ait un duo avec la prima donna. Laquelle s'insurge et part, faisant du même coup déguerpir le contre-ténor que la Mamma Agata se propose de remplacer au pied levé, provoquant des départs à la chaîne. Et une distribution de branquignoles.

Dans cette Italie du mitan du XIXe siècle, le nom des chanteurs est plus important encore que l'œuvre jouée, la gestion des desiderata de chacun est la clé de voûte d'un spectacle réussi. Et la perspicacité de Donizetti, chef de troupe et directeur de théâtre, est de montrer toutes les strates de cette production avec le directeur du lieu, l'impresario, le poète, qui se désespèrent de cette situation délétère exposant les chanteurs à leur égotisme.

« Où va aller cet opéra ? »

Sans que cette pièce, dont Donizetti a écrit lui-même en 1827 (et le 2e acte en 1831) à la fois partition musicale et texte, ne soit un traité philosophique sur la conception d'un œuvre, elle montre avec drôlerie, sans prétention et sans concession ce qui habituellement reste en coulisses. Le baryton Laurent Naouri, fidèle de Laurent Pelly depuis sa splendeur qu'était Orphée aux Enfers en 2000, endosse pour la première fois un rôle de femme et confère à cette Mamma une tendre absurdité.

À l'image du tout jeune chef de 26 ans Lorenzo Viotti et de sa direction étincelante, Laurent Pelly moque les idées idiotes du metteur en scène (avec un chœur de gladiateurs imitant avec leurs lances des gestes de danseuses du Crazy Horse), et s'amuse continuellement, parvenant à installer après tant d'années de carrière et de fidélité à des interprètes une souplesse dans leur jeu de scène. Il émane de ce Viva la mamma ! un air de réjouissance malgré le propos crépusculaire.

Viva la Mamma !
À l'Opéra de Lyon jusqu'au 8 juillet
Retransmission gratuite et en direct (sur réservation) aux Nuits de Fourvière le samedi 8 juillet et dans 13 autres villes de la région


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