De la simplicité volontaire

Cinquante penseurs d'horizons et d'époques très différents se penchent sur l'un de nos problèmes contemporains majeurs : la question de la croissance économique. Un ouvrage aussi intéressant que richement illustré.


« Tous les gars sincères et pas trop bêtes qui se penchent sur le problème de la pollution arrivent logiquement à la même conclusion quels que soient les horizons d'où ils viennent. C'est notre société industrielle et nataliste qui est polluante et il n'y a pas d'autre alternative que de la détruire ou de crever. (...) Seulement voilà, le temps ne travaille pas pour nous et nous avons toutes les chances, si on peut appeler ça des chances, d'être atomisés, asphyxiés ou dissous dans l'eau de source avant même que le cinquième des connards qui consomment pour consommer aient compris de quoi il retourne. » écrit en 1975 Pierre Fournier, dessinateur et journaliste à Hara Kiri et Charlie Hebdo.

Plus sobrement, l'économiste et banquier dans le tiers-monde François Partant écrit en 1982 dans La Fin du développement :

« Ce n‘est pas seulement parce que la Terre est une planète aux dimensions finies qu'une croissance économique indéfinie est impossible. C'est aussi parce que l'homme est lui-même un être fini. »

L'idée selon laquelle la croissance économique infinie est un objectif non seulement irréaliste mais aussi nuisible à l'humanité et la planète n'est pas l'apanage de quelques militants anti-capitalistes. Gandhi écrivait déjà en 1928 :

« Je déteste de tout mon cœur ce désir fou de détruire la distance et le temps, d'augmenter les appétits animaux et d'aller jusqu'aux limites de la planète pour la recherche de la satisfaction. »

Une galerie d'idées

Dès les débuts de l'industrialisation, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre la machine folle qui venait de s'élancer. En 1886 (!) William Morris écrit ainsi :

« La civilisation gaspille donc ses propres ressources et continuera à le faire aussi longtemps que durera le système actuel. »

Designer et auteur britannique, il est l'un des initiateurs du mouvement Arts & Crafts qui prône le rassemblement des artistes et artisans pour des productions à la fois belles et utiles, en réaction à la production en série d'objets laids et de mauvaise qualité, mais aussi à la dégénérescence de l'art, devenu à ses yeux narcissique et autotélique.

Trente ans plus tôt, de l'autre côté de l'Atlantique, Henry David Thoreau écrit le fameux Walden ou la Vie dans les bois, où il introduit la notion quelque peu provocatrice de “pauvreté volontaire”. Ce n'est pas sans rappeler la “simplicité volontaire” qui décrit également le mouvement de la décroissance, trouvant un écho dans la “sobriété heureuse” de Pierre Rabhi.

Cette galerie de portraits et d'idées à l'origine du mouvement de la décroissance, même si le terme est apparu récemment, réunit les opposants les plus divers et variés à l'industrialisme « qui ont toujours défendu des sociétés à échelle humaine, non prédatrices et ne reposant pas sur l'expansion des forces productives et sur l'accumulation du capital » expliquent les auteurs dans la préface.

Ils ont eu la bonne idée d'enrichir un dossier spécial paru dans le journal La décroissance en juillet 2014 intitulé “Géants d'hier, néant d'aujourd'hui” qui présentait les pensées de vingt-huit auteurs majeurs dont George Orwell, Simone Weil, Léon Tolstoï… pour accoucher de ce livre présentant de façon plus détaillée la vision de cinquante auteurs, accompagnées des portraits du dessinateur Stéphane Torossian.

Rencontre autour de l'ouvrage collectif Aux origines de la décroissance - cinquante penseurs
Jeudi 29 juin au Bal des Ardents


<< article précédent
"Wallay" de Berni Goldblat