Pop en stock

Avec un huitième album qui bouffe à tout les râteliers esthétiques, Portugal. The Man égare un peu l'auditeur habitué aux canons plus ou moins standardisés de l'indie-pop. Mais c'est pour mieux le convier à une danse de la résilience.


Cela peut sembler difficile à concevoir à l'écoute de ce huitième album, mais il semble que John Gourley, leader de Portugal. The Man, en ait conçu l'idée en retrouvant un talon de billet pour Woodstock appartenant à son père.

De fait, la pochette (une Bentley en feu) et le titre dudit (Woodstock, soit aussi "réserve de bois") semblent vouloir le démontrer : l'intention de ces hommes venus du pays des forêts (l'Alaska puis Portland) de faire feu de tout bois dans un monde qui change à une telle vitesse qu'il finit par brûler.

Ainsi de Number one, r'n'b accolant un featuring du prodige Son Little au sample du Freedom de Richie Havens, titre fiévreux joué à Woodstock, emblématique d'une époque qu'on ne peut que regarder dans le rétro ou, comme Portugal. The Man, en fonçant tête baissée. Car comme l'a souligné un critique « Portugal. The Man promet une manifestation et organise une fête. »

Et si c'était justement ça le programme ? Non des voitures brûlées mais des hymnes de stade positivistes comme Live in the moment et Keep On, de la soul de contrebande (Feel it still) ou de la pop r'n'bisante en cascade.

« Je suis Charlie »

Il est parfois difficile d'y reconnaître ses petits, et même les petits de Portugal. The Man tels qu'on a pu les connaître et l'ensemble tient souvent par un fil, arrimé aux nombreux producteurs tels que Danger Mouse, déjà à l'œuvre sur le précédent Evil Friends. Celui aussi, de fil, tenu par l'envie indéniable d'asseoir une position commerciale que Gourley & Co ne devraient pas avoir trop de mal à trouver.

Le dernier titre de l'album, Noise pollution, qui fut aussi son premier single, en est un bel exemple : un prédateur en forme de trip hop glucosé rehaussé des interventions d'une délicieuse putasserie de Zoe Manville, qui réalise peut-être la promesse fugacement entrevue, sur fonds d'hommage en franglais à la résilience parisienne post-attentats : « I know my rights, je t'aime Paris / Live or die like c'est la vie / With my fist in the air, "Je suis Charlie" / Can't ya see / I'm feeling magnifique ? »

Car de Woodstock, et son esprit, à « Paris est une fête », Portugal. The Man boucle la boucle d'un appel, plus festif que politique, à la liberté. Et réussit, à sa manière, et en dansant, sa révolution.

Portugal. The Man
Au Transbordeur le mardi 12 septembre


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