Le Lauréat, ou comment le jeune Hoffman tua le vieil Hollywood


Alors que Dustin Hoffman vient de souffler gaillardement ses huitante bougies, le cycle Amérique rebelle du Ciné-Collection nous incite à nous pencher sur le film qui le fit connaître voilà tout juste un demi-siècle, Le Lauréat de Mike Nichols. Bien que trentenaire au moment du tournage, le comédien y promène une bouille poupine et éberluée ; celle de Ben Braddock, un jeune diplômé entamant une “coupable” liaison avec la séduisante mère d'Elaine Robinson, sa promise. « Pfff ! Un argument de porn-milf-movie », grommellent déjà les millenials en triturant leur smartphone.

Sauf que dans le contexte de l'époque — Woodstock n'a pas encore eu lieu, jeunes impatients — ce genre de romance est considérée contre-nature par les si moralistes studios hollywoodiens. Mais le code Hays, qui (auto-)censure les productions, vit ses derniers instants. Et Nichols s'en donne à cœur joie pour l'achever en multipliant les transgressions : à son script “scabreux”, il a ajouté un montage “obscène” (pour matérialiser le trouble de Ben, il glisse des inserts de femme nue, rendez-vous compte !), et parsème le tout d'une musique signée par un duo de zazous-beatniks-folkeux-va-nu-pieds inconnus, Simon & Garfunkel qui balancent un vieux truc à eux, Sound of Silence, et Mrs. Robinson. Boum.

Le résultat, c'est une œuvre captant exactement les frustrations de la jeunesse pré-68, renâclant à entrer dans les chemins balisés d'une existence normée, conforme aux dogmes bourgeois de ses aînés ; se rebellant souterrainement contre la guerre au Vietnam et aspirant à la liberté. Le succès commercial et critique de ce manifeste fit vaciller le monde ancien, ouvrit des brèches à Hollywood : trois ans plus tard, un film classé X recevait l'Oscar (eh ouais), toujours avec Dustin Hoffman : Macadam Cowboy. Mais c'est une autre histoire…

Le Lauréat
Dans les salles du GRAC ​jusqu'au 5 octobre


<< article précédent
Tissu de bêtises : "Mr Chat et les Shammies" de Edmunds Janson