Vu de l'intérieur


C'était il y a tout juste deux ans. Un siècle en réalité. Attentats. Bataclan. État d'urgence. Il n'en parvient que des balbutiements sur un poste de radio, quelques intonations d'un président qui semble ne pas avoir existé, François Hollande. De tout cet enfer, il ne reste donc que cela : un couple plongé dans les volutes de cigarettes, adossé à un canapé bien propre.

Pourtant, tout se fissure à l'intérieur, au point plus tard que l'un et l'autre s'opposent sur l'utilité des caméras de surveillance dans la copropriété, ou que s'égrenne la liste des petites contraintes du quotidien façon Benjamin Biolay et son Brandt rhapsodie. En interstice, Meissoune Majri et Audric Chapus (qui a initié ce projet à la sortie de cette grande école d'acteurs qu'est l'ESACT de Liège), composent avec Irène Berruyer des séquences tantôt réalistes (heureuses "reconstitutions" de ces interviews télé politique volontairement anxiogènes) et plus fantaisistes (une sorte de prince machiavélique distillant le mal façon Richard III, micro-lumière qu'on dirait emprunté à la mise en scène de Thomas Ostermeier, mais les artistes nous ont confié ne pas avoir vu son extraordinaire travail).

Toutes ne sont pas égales, le besoin boulimique de tout traiter (la Syrie, les migrants abandonnés au trottoir, la transe comme seul exutoire) est quelque peu asphyxiant dans cette heure de spectacle tout neuf, créé ici même. Il n'en demeure pas moins que chaque séquence prise séparément tient parfaitement debout et que cette immersion dans le couple est suffisamment fine pour qu'affleurent toutes les séquelles intimes provoquées par un monde en déliquescence. Les auteurs osent même un certain lyrisme bienvenu en conclusion d'une pièce que l'on aimerait voir se prolonger au rythme des fondus au noir que Meissoune Majri avait déjà expérimenté dans ses précédentes créations...

Désaccords tacites
Au théâtre de l'Élysée jusqu'au 17 novembre


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