Un certain M. Mankiewicz


Si Hollywood a connu un âge d'or, il le doit à quelques brillants orfèvres ayant su tirer de la pierre philosophale cinématographique des bobines du plus précieux des métaux. Au nombre de ces alchimistes figure un de ces talents complets faisant l'honneur des studios (et suscitant la jalousie de leurs propriétaires), Joseph L. Mankiewiecz (1909-1983).

Tour à tour scénariste, producteur et enfin réalisateur, c'est un homme pressé et décidé qui arrive sur les plateaux en 1946 pour diriger Le Château du dragon en remplacement de Lubitsch. En l'espace de cinq années, il tourne pas moins de neufs longs-métrages dont la romance pré-burtonienne L'Aventure de Madame Muir (avec une renversante Gene Tierney), la comédie de mœurs “à suspense” Chaînes Conjugales (qui lui vaut le doublé Oscar du réalisateur-scénario et révèle Kirk Douglas au grand public) et ce monument qu'est Ève, peinture au vitriol des jalousies et des ambitions rongeant le monde du spectacle, d'autant plus féroces qu'elles sont enveloppées d'élégances et d'hypocrisie (triplé cette fois réalisateur-scénario-film aux Oscar). Un monument qui aura une manière d'écho glamour dans La Comtesse aux pieds nus, portrait d'une enfant déchue magnifié par une Ava Gardner resplendissante de Technicolor.

Excellant dans la mise en place de tensions psychologiques paroxystiques (la crise de nerf d'Elizabeth Taylor dans Soudain l'été dernier tient du dramatiquement sublime), et les machineries théâtrales ludiques. En témoignent sa variation sur Volpone, Guêpier pour trois abeilles, et son délicieusement manipulateur Le Limier, hélas absent de la rétrospective en douze films que l'Institut Lumière, qui l'avait déjà honoré, lui consacre. Cette jolie douzaine vous ouvrira néanmoins l'appétit et vous incitera à découvrir la suite et la polyvalence de ce grand indépendant.

Rétrospective Mankiewicz
À l'Institut Lumière ​jusqu'au 7 janvier


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