Romain Gandolphe : « J'essaie de ne jouer rien d'autre que moi-même »

Jusqu'au 20 janvier, l'artiste performeur et conteur Romain Gandolphe va résider dans l'espace de la BF15 dans un contexte particulier, celui d'une exposition vivante dans laquelle il transmettra des œuvres par la parole, la peinture et la vidéo : la parole devient motrice de la diffusion.


En quoi l'oralité de vos performances tient-elle d'une pratique artistique ? 

Romain Gandolphe : J'ai l'impression que l'on rencontre des œuvres d'art aussi bien dans les musées et dans les centres d'art avec nos yeux, que dans la rue sur les murs, ou derrière des écrans. Idem, quand on lit un article dans un journal ou un catalogue d'exposition, l'œuvre s'incarne, elle existe, c'est cela qui m'intéresse : que se passe-t-il dans cette autre manière de s'incarner ? C'est la même chose à l'oral. Lorsqu'un ami me parle d'une œuvre que je ne connais pas, j'ai quand même l'impression d'en voir un petit bout. Chaque individu la reçoit de façon différente, j'aime apprendre de ce que l'autre reçoit. 

Il s'agit donc d'une transmission…

Oui, c'est un échange. J'aime raconter les œuvres d'art pour les rendre vivantes et montrer qu'elles ne sont pas du tout figées. 

Peut-on alors parler d'exposition vivante dans le cas de celle que vous présentez à la BF15, D'autres états me font rêver ?

Oui puisque je vais habiter l'espace de la BF15 le temps de l'exposition. Le soir du vernissage, je vais raconter une dizaine d'œuvres qui ne seront pas là physiquement, mais je vais démontrer qu'elles existent par le biais d'images mentales. D'autres performances sont prévues, et au quotidien je serai présent, j'inviterai tous les visiteurs à me raconter les œuvres qu'ils ont vu, ou dont ils ont le souvenir même s'ils ne les ont pas vécues. J'enregistrerai nos conversations que je retranscrirai pour qu'au fur et a mesure du temps de l'exposition, les récits soient disponibles pour les autres. 

Quelles réactions attendez-vous du public qui viendra à votre rencontre ?

J'espère qu'ils auront envie de discuter longtemps et qu'ils se prêteront au jeu de l'échange. J'espère aussi que dans cette exposition il y aura beaucoup d'œuvres d'artistes que je ne connais pas et que les gens vont apporter. 

Quelle est votre interprétation du terme "état" dans D'autres états me font rêver ?

J'ai fait un voyage aux États-Unis ou j'ai parcouru quatre états et comme je ne pouvais pas tout visiter j'ai écrit dans mon carnet de notes « D'autres états me font rêver ». J'ai trouvé que cette phrase correspondait bien à ce que je voulais montrer à la BF15. Car il y aura des œuvres physiques avec de la peinture, de la vidéo, mais aussi du texte, et bien sûr la parole. Il y a donc plusieurs états de l'œuvre d'art, « d'autres états » que celui d'une œuvre figée et présente physiquement. On verra l'œuvre d'art présente, celle racontée à l'écrit et celle racontée à l'oral. 

Si je vous dis "mémoire vivante" qu'est-ce que cela vous évoque ?

À partir du moment où la parole est devenue mon vecteur principal de transmission des œuvres, j'ai réalisé que la mémoire était le lieu dans lequel j'exposais, et j'expose avant tout dans la mémoire de la personne qui entend ou qui accède à mon récit écrit ou vidéo. Quand le public a entendu mon récit, il porte l'œuvre en lui et peut à son tour la raconter jusqu'à l'oubli. La mémoire est le lieu même de l'art dans mon travail et la parole est le vecteur.  

Vous avez déjà évoqué votre désir d'enseigner dans le futur, et les points communs entre votre rôle de conteur et celui d'un enseignant sont évidents. Pensez-vous avoir également des similitudes avec un acteur de théâtre ? 
Le monde pense que oui, mais je ne le crois pas. Contrairement au théâtre, j'essaie de ne jouer rien d'autre que moi et je ne récite pas un texte écrit. Il est important que je reste dans une spontanéité de l'oral pour justement être moi-même. 

Romain Gandolphe
À la BF15 jusqu'au 20 janvier 2018


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