Alain Cavalier, la voie du filmeur


Son importance dans le paysage cinématographique contemporain n'a d'égale que son infinie discrétion. Humble mais résolu, il se révèle capable d'audaces inouïes sur un fil entre intimité et impudeur, restant étranger cependant à toute obscénité. S'il revêt la forme de l'énigme, Alain Cavalier est une figure de style à lui seul, en marge et en marche continues — avant que l'expression soit à la mode, donc galvaudée. C'est une voie d'exigence et d'épure que ce filmeur s'est tracée, se dépouillant patiemment des attirails, des lourdeurs du cinéma. Ce chemin, qui démarre sur les bas-côtés de la Nouvelle Vague, à distance des chapelles, l'Institut Lumière propose d'en accomplir un fragment significatif autour de ses premières œuvres.

En apparence classiques, ou du moins conformes à la “forme“ de l'époque, Le Combat dans l'île (1962) avec Romy Schneider et Trintignant puis L'Insoumis (1964, avec Delon et tourné à Lyon) jouent pourtant avec le feu en abordant frontalement des thématiques sensibles, comme la guerre d'Algérie. Il oblique vers le polar avec Mise à sac (1967) puis croise la route des oisifs insouciants décrit par Sagan dans La Chamade (1968), sans succomber à leurs charmes. Cavalier a soif de réel, et va le trouver en faisant coécrire une brochette de jeunes comédiens pour un road movie brindezingue, Le Plein de super (1976), en filmant un vrai couple dans Martin et Léa (1979) ou en se confiant à la caméra pour guérir de chagrins immenses dans Ce répondeur ne prend pas de message (1979), film digne de Soulages. Écrit avec sa fille Camille de Casablanca (qui joue au côté de Jean Rochefort), Un étrange voyage (1980) poursuit sa convalescence, sa carrière s'engageant alors dans une direction plus libre encore et spirituelle marquée par Thérèse (1986). La rétrospective s'arrêtant ici, il faudra chercher ailleurs ses incroyables portraits. À suivre, on l'espère…

Rétrospective Alain Cavalier
À l'Institut Lumière​ jusqu'au 7 janvier


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