Lyon, rebelle

Lyon 68, ouvrage collectif, se plonge dans vingt ans de luttes et de contestations dans la région, avec en point d'orgue Mai 1968.


Bientôt les 50 ans de mai 68 ! Les étals des libraires vont se garnir, les expositions fleurir, les hommages (ou les prises de paroles indignées) se multiplier. Ouf, à l'heure où les prohibitionnistes de toutes obédiences se sentent pousser des ailes, où le religieux est partout, il sera bon de renouer avec ce temps où ceux qui faisaient l'époque étaient des "bouffeurs de curés" (à la sauce Hara-Kiri ou bien adeptes de la spiritualité orientale), des anarchistes, des libérateurs de sexualité, de rockeurs sous acide et des citoyens graffant "il est interdit d'interdire". Une bouffée de liberté, d'expériences rythmées par la contre-culture florissante qui chamboula la droite pépère alors au pouvoir et irrigua les années 70, entraînant une certaine idée du progressisme mais aussi nombre d'excès et d'échecs. Et à Lyon ? Un premier ouvrage, Lyon 68, se penche sur ces années de révoltes.

Passée une longue introduction contextualisant les "événements" dans la ville depuis 1959 (poids de l'église catholique, franc-maçonnerie, le PC dans le Rhône, manifestations contre la guerre d'Algérie...), on plonge directement dans mai 1968 : occupation de la faculté de lettres du quai Claude Bernard où a débuté la contestation, simultanément au campus de la DOUA, première manifestation du 7 mai se terminant sur la place des Terreaux, la seconde deux jours plus tard allant jusqu'au Jardin des Plantes. Rebaptisés, les amphis de Claude Bernard : Laprade et Quinet deviennent Marcuse et Bakounine ! Déjà, les militants d'extrême-droite font de la faculté de droit leur fief, même si le Doyen refuse leur proposition de protéger le bâtiment ; mais ils affronteront violemment les grêvistes en donnant l'assaut à 150, armés et casqués, de la faculté de lettres le 14 juin 1968. Ils devront battre en retraite, repoussés par les occupants. Autre lieu emblématique, l'École des Beaux-Arts, sur les pentes : un atelier de sérigraphie est installé, profitant des réserves d'encres et de papiers, produisant jusqu'à 800 affiches par jour. De là naquit l'art lyonnais de l'affiche revendicative, qui perdure aujourd'hui au sein de la scène rock underground

Le livre, collectif et dirigé par Vincent Porhel et Jean-Luc de Ochiandiano, a la bonne idée de ne pas s'arrêter aux vacances d'été comme le mouvement et de suivre avec intérêt les pistes tracées pour les années à venir, étudiant les luttes des années 70 (MLF, LGBT, écologie), la création de librairies militantes (dont Vivre, ancêtre de La Gryffe née elle en 1978), la free press, les combats anti impérialistes (du Chili à Action Directe), le développement des communautés (dont Moulinsart, en 1975 dans un immeuble de la Croix-Rousse)... Richement illustré et documenté, accessible, Lyon 68 est un beau retour sur le printemps rebelle.  

Lyon 68 (éditions Lieux Dits)
Rencontre avec les auteurs chez Lieux Dits (17 rue Leynaud, Lyon 1er) le mardi 5 décembre à 16h 


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