Un chic Établi

Louis Fargeton et Marie Garbiès ouvrent dans le 2e un néobistrot embourgeoisé - ou est-ce un resto chic encanaillé ? Leurs assiettes s'affirment comme les plus enthousiasmantes de cette fin d'année.


Nous sommes du côté d'Ainay dans la rue qui suit le tracé de ses anciens remparts. À l'angle d'Auguste Comte, on trouve un tout nouveau resto, dont l'enseigne représente un étau : outil d'Établi, un meuble sur lequel, rappellent les proprios, « l'artisan conçoit ce qu'il rêve ».

L'artisan, c'est Louis Fargeton, cuisinier passé par d'illustres maisons  : l'Antiquaille, La Rotonde, Maison Clovis, associé ici à Marie Garbiès (ex-Arsenic) en charge du service. Le couple, de retour d'un tour du globe, a souhaité un lieu où le client aurait tout loisir de s'attarder. Comme le dit Marie Garbiès : « Pour aucun des deux services il ne faut être pressé. Nous voulons que les gens qui viennent ici prennent leur temps, ce qui est rare de nos jours. »

L'intérieur, architecturé par le collectif Saône, se veut chaleureux et contemporain. Parmi quelques excentricités de bon goût, notons l'imposant plafond de bouteilles suspendues peintes de bleu, le grand meuble-arche en bois et métal, ou les plateaux de tables en osb martyrisé et résiné (par Antoine Baillaud). Le service, soigneux quoique décontracté, renforce une ambiance à mi-chemin entre le bistrot cool (tabliers de cuir, tables dénappées, musique) et l'établissement chic (argenterie, couteaux à choisir dans un coffret, tarifs).

Le menu (trois fois deux choix au déjeuner, menu unique en trois, cinq ou sept services le soir), griffonné sur une feuille de papier, s'ouvre par une volée d'amuse-bouches : pour nous, une boulette frite (un cromeski comme on dit à la télé) de cuisses de grenouille, une mini-quenelle de brochet, une micro-tartelette aux champignons. Suivis en entrée, le midi de notre venue, par cet exquis assemblage : une lamelle de céleri-rave, à peine cuite, servant d'enveloppe pour un cannelloni de crème de raifort et pousses de soja (ou une tentacule de poulpe grillé s'agitant sur une purée de topinambour et gel de mandarine).

C'est au moment des plats que Louis Fargeton exprime son talent. Révélant par exemple, par une cuisson parfaite, tout le parfum océanique d'une daurade de l'Atlantique (son filet) accompagnée d'une émulsion de crème au gingembre et de fleurettes de chou-fleur crues en pagaille, des blanches, des vertes, des violettes, assaisonnées au vinaigre de riz (ou des tranches de faux-filet et de poires de terre encerclées par un démoniaque jus de bœuf à la badiane). Avant un dessert de pâtissier tiré à quatre épingles : un demi-dôme de chocolat et d'orange, sur fond croustillant au riz soufflé et praliné. L'enchaînement est un sans-faute (à 28€). Qui incite à se pencher sur l'offre, en ce moment très automnale, du soir. On se pourlèche d'avance, en entendant parler des saint-jacques à la cendre, du lièvre à la royale ou du coing au safran et coriandre.

Florent Belotti, sommelier de son état, a conçu pour accompagner tout ça une carte des vins garantie sans dérapage incontrôlé. Là encore on fait le pari du sérieux et de l'accessible avec, par exemple, des verres de Côtes du Rhône de Gramenon ou Barret, de Morgon de Thévenet, de Jacquère de Petitprez (5€-7€).

L'Établi
22 rue des remparts d'Ainay, 2e
Du lundi au vendredi de midi à 14h et de 19h30 à 21h30
Menu 28€ au déjeuner, de 34 à 64€ le soir


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