La Promesse de l'aube

de Éric Barbier (Fr, 2h10) avec Pierre Niney, Charlotte Gainsbourg, Didier Bourdon…


Mexique, fin des années 1950. S'isolant de la fièvre de la Fête des morts, le diplomate et écrivain Romain Gary entreprend la quarantaine révolue de raconter dans un livre ce qui l'a conduit à mener toutes ses vies : une promesse faite à la femme de sa vie, sa mère…

Le roman de Romain Gary se prête merveilleusement à l'adaptation (donc aux nécessaires trahisons) dans la mesure où l'auteur était le premier à enjoliver des faits trop plats afin de gagner en efficacité romanesque — il pratiquait le “mentir-vrai” d'Aragon à un niveau d'expert. Ce préalable étant connu, on peut considérer qu'une transposition prenant quelques libertés avec le texte-source à des fins narratives ou esthétiques fait preuve de la plus respectueuse des fidélités à l'égard de l'esprit du romancier. Telle cette version signée Éric Barbier, d'une ressemblante dissemblance.

Le cinéaste y déploie ses qualités que sont l'ambition et la sincérité, indispensables atouts pour marier l'épique, le picaresque, l'académisme et le cocasse autour de cette drôle de fresque où la mère devient un personnage sous la plume d'un fils qu'elle a auparavant conditionné, modelé comme on sculpte son grand œuvre, dans une symbiotique relation de réciprocité. 

Il fallait trouver à l'image cet accord fusionnel entre Nina et Romain, donc créer un duo crédible. Si Pierre Niney devient coutumier des évocations biographiques, avouons tout net qu'on imaginait mal Charlotte Gainsbourg l'éthérée dans la peau de la volontariste Nina. Elle a pourtant su forcer sa voix, sa silhouette (et sa nature ?), pour en faire cette “force qui va”, monstre d'amour exclusif grâce à qui — ou à cause de qui — Gary est devenu Gary. Un homme en quête d'intégration, d'honneurs, de respectabilité, aspirant à la norme et cependant dévoré par l'intranquillité. Par son classicisme parfois heurté de sauvagerie, ce film en est un joli reflet.


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Les adieux à l’arène : "Ferdinand"