La résilience au cœur du chaos

Anne-Marie et Rolland Pallade invitent pour un troisième acte l'illustre artiste expressionniste de l'Est Zwy Milshtein, auteur de cette peinture gigantesque visible sur le rideau du Théâtre des Célestins depuis 2014.


Au premier regard, notre discernement se remplit d'une intuition chaotique, de la conviction d'être confronté à l'Histoire. Celle de l'art, puisque l'artiste aujourd'hui âgé de 84 ans y a trouvé une confortable assise, avec comme points d'ancrage ses contributions à divers mouvements (le groupe Likrat à Tel Aviv, l'École de Paris ou Panique) et de nombreuses expositions collectives ou personnelles. Certaines de ses œuvres ont été acquises par des musées aussi importants que le MoMa de New York, le MAM et le Centre Pompidou de Paris. Dans ce même regard, nous sommes tout autant confrontés à l'histoire du peintre qu'à son destin éprouvé par le nazisme et le stalinisme. 

La rencontre avec les œuvres de Zwy Milshtein relève de l'intime : elles nous prennent à témoin. Ses tableaux retracent d'infimes récits personnels où la résilience prend souvent le pas sur le désarroi. Les peintures sont chargées, pleines, comme un carnet à dessin où s'enchevêtrent des portraits, des personnalités connues, croisées ou imaginées qui sont autant de pions sur l'échiquier de sa vie. Les paysages s'encastrent au milieu de ces âmes, on se retrouve tour à tour en France, à Paris, ou en ex-Union Soviétique. 

Peindre le déracinement

Zwy Milshtein peint l'exil, le déracinement, son absurdité et la force de prendre racine ailleurs. La constance des symboles fait des verres de vin, des ours en peluche et des jeux d'échecs, des objets totémiques. Il ose, il prend le risque des excès en tout genre, le jeu, les femmes, la boisson. C'est la roulette russe tournée en dérision. 

Et le peintre n'hésite pas à sortir du cadre, à déborder. Tout est permis puisque l'enfance a été pillée. La famille se métamorphose en fantôme, elle hante tandis que la mélancolie est amère, mais aussi bienveillante dans une tentative de retrouver ce qu'il n'a pas connu ou perdu. Zwy Milshtein joue avec les pinceaux comme avec lui-même et non sans humour. L'autoportrait est au creux de son œuvre, comme dans une volonté d'être indulgent avec soi-même et porteur d'une dramatique espérance, celle de la résilience.

Zwy Milshtein
À la galerie Pallade jusqu'au 10 mars


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