Christa Théret : « J'ai besoin de sentir le centre de la terre »

Déjà une petite quinzaine d'années de carrière pour la comédienne découverte dans Le Couperet de Costa-Gavras et révélée par LOL. Dans Gaspard va au mariage, elle ne voit pas l'ours : elle revêt sa peau.


Est-ce le ton comique ou mélancolique du scénario de Gaspard va au mariage qui vous a le plus touchée à la première lecture ?
Christa Théret :
Sa mélancolie — je suis très mélancolique. Il y a des envolées, de la légèreté, plein de métaphores. Et l'on ressent aussi du spleen. Même si on n'est pas dans Baudelaire ! (rires)

Trouvez-vous cette famille “normale” ?
Aucune famille ne l'est. Mais celle-ci est en train de se libérer : les choses ne sont pas tues et il n'y a pas d'hypocrisie. Souvent, dans les repas de famille, on dit que chacun doit avoir une place, être bien sous tout rapport… Ici, la folie peut se libérer et il y a une honnêteté dans les rapports.

Vous endossez une peau d'ours durant quasiment tout le film. En quoi un costume de cette nature vous a-t-il aidé à composer votre personnage de Camille ?
Ça aide toujours, un costume. Avec une peau d'ours, on se sent un peu exclue, et en même temps il y a un côté très familier : c'est un peu comme un cocon, une cabane dont elle n'aurait jamais voulu descendre. Ça fait penser aussi à un déguisement d'enfance. Je ne me sentais pas déguisée quand je l'avais, c'était assez naturel — d'autant qu'il faisait un peu froid lorsqu'on tournait à l'extérieur. C'était comme un truc de super-héros : je me disais que Coline avait des super-pouvoirs, et que la nuit elle partait… Qu'elle était un peu princesse Mononoke, un peu guerrière…

Pensez-vous que votre jeu a été “contaminé” par l'animalité de l'ours ?
Un petit peu, oui. Quand je répétais avec le coach, les mouvements que l'on faisait, le fait d'être à quatre pattes, de grogner, se gratter, faisait écho à des choses de l'enfance qui ne sont pas si éloignées. En grandissant, on doit gommer tout cela parce que l'on vit ensemble et que l'on ne peut plus le faire. Mais finalement, si on se laisse un peu aller…

Est-il possible de donner son avis sur les costumes ?
Quand on se sent mal à l'aise, on peut réfléchir. Je sais que je ne suis pas très à l'aise avec des talons : j'ai besoin de sentir le centre de la terre. Déjà, on est un peu fébrile quand on joue, on est anxieux, donc ça me déstabiliserait... Si ça sert le personnage, c'est bien. Mais de moi-même, je n'en mettrais pas.

Comment se sont passées vos retrouvailles avec Félix Moati ?
Ça a aidé que l'on se connaisse d'avant : il y avait cet esprit un peu fraternel. Félix m'a vu un peu grandir, évoluer. Entre nous, il n'y avait pas de “manières” et un côté enfantin qui revenait assez vite.

Depuis LOL (2009), vos choix vous ont davantage conduit vers le cinéma d'art et d'essai… 
J'ai adoré faire LOL ! Tourner avec Lisa Azuelos, c'était vraiment génial. Le film se passe de génération en génération : les gamines de treize ans aujourd'hui me disent qu'elles le regardent tous les jours, et j'en suis super fière. C'est une grande joie pour moi que ce film perdure. Mais après, j'ai fait des choix : je ne suis pas entrée dans le cinéma populaire, je me sentais moins proche de cette famille de cinéma-là. Donc, j'ai opté pour des rôles dans des films plus marqués socialement, humainement, expérimentalement — et peut-être aussi qui m'intéressaient plus. 

Je vois moins le cinéma comme un divertissement. Pour moi, ce n'en est pas un. Quand je vais au cinéma, je ne me dis pas : « je vais me marrer » ; j'aime regarder un beau cadre, que ce soit lent. Tout ça me touche, et j'aime de plus en plus m'orienter dans cette direction. Bon ensuite, on fait avec le choix que l'on a : je n'ai pas été prise pour certains films que je voulais faire. Mais j'en ai fait d'autres.


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