Second life

Avec son second album The Afternoons, le Californien Jordan Corso aka Cotillon, fait la chronique de son immersion new-yorkaise. Une expérience intime et dispersée qui infuse de manière plus brute sa garage pop et dans laquelle, le songwriter a semblé trouver une cure de jouvence artistique.


Dans Elegiac Feelings America, le poète beat new-yorkais Gregory Corso écrivait : « C'est un terrain vague dans moi. – une propriété trouée avec ruine unique. » Californien débarqué très volontairement à Big Apple dès après son premier disque et une séparation, son homonyme Jordan Corso aka Cotillon cherchait vraisemblablement le terrain vague en lui, à se dépouiller pour repartir, à se perdre en réflexions et en déambulations. Celles, recensées sur son album The Afternoons, d'un type perdu dans Manhattan (et autour) et confronté aux difficultés d'adaptation dans une mégapole choisie à dessein comme un défi à soi-même, mais aussi comme une muse avec tout ce qu'elle peut avoir de cruelle. Pour ce qu'elle peut avoir de cruel, Corso préférant la perpétuelle dynamique babelienne et le vertige du vide au milieu du trop plein, au confort d'une ville moyenne.

Imprégné par cet environnement électrisant et les intentions de son auteur – Corso a débarqué à New-York avec en tête le son de guitare de Tom Verlaine (Television) et l'esthétique nuageuse du Galaxie 500 de Dean Wareham –, The Afternoons réussit son pari, sonnant de fait bien plus new-yorkais que le garage envapé de son prédécesseur qui lorgnait comme par atavisme vers le rock californien classique, les déviances bricoleuses d'un Jason Lyttle (Grandaddy) et les facéties de la famille Schwartzmann (Jason de Coconut Records et Robert).

Perdition volontaire

Ici, donc, le son, réinventé, est plus brut, le fuzz plus tranchant, le tout comme faussement sous produit (ce qui est un tour de force réalisé par Shane Butler de Quilt et Al Carlson (St. Vincent, Woods, Yeasayer...), à la recherche de cette aristocratie locale de l'imperfection, de la dissonance garage et la perdition volontaire. Soumise à cette lo-fi-lisation, la voix de Corso résonne des timbres adolescents et (dis)tordus du Stephen Malkmus de Pavement et du jeune Daniel Johnston.

Un peu comme s'il semblait vivre une seconde jeunesse à New York. Ce qui est le cas : le Californien évoquant sans nostalgie quelques souvenirs sanfranciscains (Secret, SFO) en même temps qu'une nouvelle relation dont il est également beaucoup question (Alex's room, Fang) et envers laquelle il se sent visiblement redevable d'être heureux. Preuve qu'en plus de trouver le terrain vague précité, Corso, Jordan, est parvenu à poser également, dans cette propriété à « ruine unique », les premières pierres d'un renouveau aussi artistique que personnel.

Cotillon + Sierra Manhattan au Groom, vendredi 16 février


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