Michel Chomarat : « On est militant toute une vie et pas seulement un jour ! »

Bien connu des Lyonnais, Michel Chomarat a œuvré pendant 12 ans auprès de Gérard Collomb pour la défense de la mémoire de la ville. Éditeur, militant LGBT, grand collectionneur, il est un homme ressource et le commissaire de cette exposition.


Quels sont les enjeux du travail de mémoire aujourd'hui ? 
Michel Chomarat :
C'est à la fois transmettre et se nourrir des combats, comme ceux portés par Martin Luther King, et les faire vivre au quotidien dans la cité. Qu'il n'y ait toujours pas de rue Martin Luther King à Lyon est tout à fait significatif de ce qui reste à faire. Comment voulez-vous faire du lien entre les citoyens si les noms de rues à Lyon continuent de porter des noms bien franco-français comme Vendôme, Rabelais, Saxe, Lafayette, Créqui ? Faisons une large place dans l'espace public aux Noirs, aux Arabes, aux femmes, aux homosexuels, etc. Car avec ce manque de reconnaissance de la diversité, on encourage le communautarisme et le repli sur soi. Ne pas accepter ces différences est d'une grande hypocrisie, car elles existent et elles finissent toujours par s'organiser en dehors du cadre républicain. 

Vous dites qu'il y a encore plus de combats à mener aujourd'hui qu'au temps de Martin Luther King, quels sont les risques engendrés par ce qu'on pourrait appeler le militantisme Facebook ou virtuel ? 
Le monde me paraît de plus en plus indifférent aux autres, il y a moins d'engagement personnel et je refuse de signer les pétitions en ligne, car c'est totalement virtuel. On préfère partager et regarder les photos et vidéos des manifs sur les réseaux sociaux, plutôt que d'y être physiquement, mais tant que l'on n'est pas dans la mêlée,  dans le bruit et la fureur, on n'a rien compris à la dureté du monde dans lequel on vit. Au-delà des discussions du café du Commerce, on se doit d'être concret comme par exemple, quand je soutiens la candidature au prix Nobel de la Paix de Latifa Ibn Ziaten (dont le fils a été tué par Mohamed Merah), portée par le père Christian Delorme et l'Hospitalité d'Abraham dont je suis le vice-président.

Avez-vous peur d'un recul des avancées législatives ?
Il est tout à fait naïf et illusoire de croire que ce que nous avons obtenu par les luttes va durer éternellement. L'histoire n'est qu'une succession d'avancées et de reculs, nous le voyons aujourd'hui avec l'IVG. Les minorités sont perpétuellement en sursis et le combat et la vigilance doivent rester permanents. On est militant toute une vie et pas seulement un jour !

Mais les réseaux sociaux peuvent aussi déclencher des actions progressistes comme la Women's March à Washington, ou la libération de la parole des femmes après l'affaire Weinstein.
Oui, mais concrètement combien y a-t-il eu de poursuites judiciaires au-delà du déballage médiatique généralisé ? On n'est que dans l'affect et l'émotion, et cela peut conduire à toutes les manipulations. Il faut rester vigilant, avoir des sources d'information contradictoires,  s'informer sur ce qui se passe ailleurs pour avoir une vraie conscience politique, notamment sur le plan international. Et il faut voyager, rencontrer beaucoup de personnes, surtout celles qui ne pensent pas comme vous, aimer le débat contradictoire, c'est-à-dire le contraire de la pensée unique. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, car je crois trop aux contacts humains.


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