Cult wave

Parmi les têtes d'affiche, si tant est qu'il y en ait, de la 2e édition d'un festival Transfer bien riche, on trouve, le deuxième soir, Trisomie 21, cultissime totem de la cold wave française, qui renaît une énième fois de ses cendres pour une tournée mondiale dans le sillage du très classe Elegance never dies, sorti l'an dernier.


« L'élégance ne meurt jamais ». On dirait le titre d'un de ces James Bond contemporains qui aurait basculé vers le côté obscur du placement produit à la frontière de laquelle se trouve la série cinématographique depuis bien longtemps. Sauf que l'on est ici à l'opposé de cet univers : dans celui d'un groupe qui a toujours incarné la lutte, la contestation et le contre-pied. Elegance never dies est donc le titre du dernier album de Trisomie 21, pionniers de la cold wave made in France, neuf ans après le dernier et une promesse de tout arrêter.

Nous sommes en 1980 lorsque les frères Lomprez, peu enclins à entrer dans le moule social qui leur est promis, forment à Denain dans le nord, genre de Manchester français, ce qui ressemble sans doute le plus au pendant français de Joy Division : une formation maniant la cold wave comme personne, décrivant avec une rage froide le désœuvrement industriel des années 80.

Casser les codes

Cela leur vaudra d'être signé par Pias en 1987 et de connaître un succès, notamment à l'étranger (Belgique donc, Pays-Bas, Allemagne), dont le groupe n'aura pas toujours conscience (le Brésil tombe amoureux d'un de leurs titres, ils ne le sauront que vingt ans après). Pendant deux décennies et quelques périodes de reformation, Trisomie 21 se livre à toutes les expérimentations possibles, aux collaborations les plus aventureuses, casse les codes discographiques et scéniques, surprenant toujours mais ne désarçonnant jamais ses fans, en gagnant toujours au passage. Bref, le lot des formations cultes.

Car de Trisomie 21, on mesure aussi près de quarante ans après la réussite, non seulement à la permanence de titres comme The Last Song, La Fête Triste ou Breaking Down, mais aussi à l'aune de ce dernier album. Lequel charrie bien la grâce de ces albums tardifs – de reformations ou pas – sur lesquels des groupes supposés sur le retour ont accepté de laisser infuser l'air du temps sans vouloir reproduire une formule, mais sans pour autant se renier non plus – on songe par exemple au Get Ready de New Order. Un disque qui symbolise le fait que si tout finit par périr, Trisomie 21 ne se démonte pas et l'élégance elle, ne meurt jamais.


Cinq groupes à ne pas rater au Transfer

King Gizzard & the Lizard Wizard

C'est de loin, le groupe le plus attendu de ce festival. Un phénomène à tous les niveaux : scénique, un domaine dans lequel le groupe australien se révèle monstrueux avec ce roster d'airain proposant notamment trois guitares et deux batteries ; par la dévotion qu'il engendre chez ses fans ; et, ceci expliquant cela, par son goût du concept. En 2017, King Gizzard, qui n'en était pas à son premier défi, a ainsi rempli de justesse sa promesse de livrer cinq albums dans l'année, couvrant autant de registres. Chose faite donc le 31 décembre avec la sortie de Gumboot Soup, sorte d'avenant et de synthèse mêlés de ses cinq prédécesseurs. Menu copieux en perspective.

The KVB

Dans le sillage de son leader Klaus Von Barrel, de son vrai nom Nicholas Wood, The KVB pose son nuage de psychédélisme pile sur la ligne qui sépare The Jesus & Mary Chain, Spacemen 3 et The Brian Jonestown Massacre. Un nuage noir, étouffant, développant une vraie tendance à la sociopathie et à la névrose faites musique que quelques envolées ne suffisent pas à soustraire à cette atmosphère crépusculaire. Sur scène l'ensemble prend une fascinante troisième (et peut-être quatrième) dimension grâce au travail visuel de Kat Day, la complice de Von Barrel. S'attendre à l'hypnose, et pas vraiment médicale.

BRNS

Une pop d'influence nineties, c'est ainsi que l'on pourrait poser les bases de BRNS. BRNS comme Brains et donc un peu comme jus de cerveau. Parce qu'une fois posées ces bases, il s'agit moins pour le groupe belge de construire dessus – ce serait trop facile – mais de déconstruire. C'est ainsi que surgit la structure de morceaux toujours déroutants, courant les chemins de traverse, hésitant entre le sucre et l'acidité, l'évidence et l'écueil. De la pop savante mais de la pop quand même.

HMLTD

Avant même d'avoir sorti le moindre album, les britanniques de HMLTD (comme Happy Meal Limited) ont fait sensation un peu partout où ils sont passés, c'est à dire essentiellement dans les festivals. C'est que la chose est plutôt fascinante, dans le genre glam-blues-punk-synth pop théâtrale nimbée d'inquiétante étrangeté. Lynchien, dit-on généralement par commodité. Mais derrière le genre de rideau cher au réalisateur de Lost Highway, HLMTD cache de beaux et irrésistibles tubes sacrément tordus.

Le Villejuif Underground

Dans le sillage de son grand Mamamouchi australien Nathan Roche, homme, Le Villejuif Underground fut sans doute, au-delà de son nom magique de tribute band à la noix, l'une des choses les plus étonnantes qui soient venues aux oreilles des amateurs d'indie rock ces deux dernières années. Quelque part entre le Velvet, le garage 60's, Mac DeMarco et le meilleur des groupes de bricolage rock. Où ? On ne sait pas trop.

Festival Transfer #2

King Gizzard & the Lizard Wizard + The KVB + Zombie Zombie + BRNS + Mild High Club + Drahla + KCIDY
Au Transbordeur le vendredi 2 mars

Trisomie 21 + Scuba presents SBC live + Shifted + Dollkraut band + HMLTD + Le Villejuif Underground + TERR + Ashinoa
Au Transbordeur le samedi 3 mars 


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