Le mystère, l'attente, la mélancolie parfois irriguent les œuvres de ces deux jeunes illustratrices issues des Arts Décoratifs de Strasbourg, habituées de l'édition (bande-dessinée, jeunesse, presse, micro-édition...) On divague au gré de paysages poétiques à la lisière du fantastique, d'une beauté naturelle constellée de surnaturel, jusqu'aux portes de l'imaginaire. Des atmosphères entre chien et loup, qu'on ne saurait situer à la lueur du jour ou au crépuscule, dans un équilibre toujours fragile, imprécis, comme empli de doutes. Des scènes en apparence simples, dans la nature, de nuits passées à la belle étoile dans les bois. Mais chargées d'étranges émanations, quand on y regarde de plus près.
Les personnages sont rassemblés autour du feu chez Margaux Othats, plutôt solitaires et mystérieux chez Maïté Grandjouan. Dans les bandes dessinées de cette dernière, ils peinent à se rencontrer, s'isolent et s'épient, chacun depuis chez lui, comme dans Fantasma, où un homme tombe amoureux de la femme qui vit dans la maison en face de la sienne, l'observant en secret jusqu'à ce que sa maison brûle. Les intérieurs sont chaleureux mais aussi inquiétants, à l'image de nos intimités, réconfortantes et parfois aussi effrayantes. On est toujours dans cette “heure bleue”, dans cet entre deux, où les couleurs de la pénombre deviennent paradoxalement chatoyantes.
La maîtrise de la couleur est impressionnante : des nuances subtiles et puissantes, métamorphosant l'ombre en lumière et vice-versa, peignant des intérieurs obscurs aux rideaux tirés dans un bleu intense et lumineux, et surtout des cieux aux carnations irréelles. L'inquiétude devient espoir, le doute devient jeu, les creux deviennent pleins et les univers des deux illustratrices se font écho à merveille, sublimant cette palette d'émotions et de moments suspendus.