La Nuit a dévoré le monde

Escape game dans les conditions d'un réel apocalyptique, ce premier long-métrage aussi sobre que maîtrisé réunit un trio brillant autour d'un scénario rigoureux. En peuplant la capitale de zombies désarticulés, Dominique Rocher gagne haut le moignon son Paris.


Au lendemain d'une nuit agitée, dans un recoin de l'appartement de son ex — où il était venu chercher ses affaires en pleine soirée festive —, Sam découvre que le monde est désormais peuplé de zombies. Se pourrait-il qu'il soit l'ultime homme sur Terre ? À lui d'organiser sa survie…

De son titre poétique à sa réalisation d'une efficacité à faire pâlir George A. Romero — lequel, là où il réside à présent, ne doit plus avoir le mélanocyte très vaillant —, La Nuit a dévoré le monde s'impose par sa singularité dans un paysage contemporain montrant une insatiable appétence pour le cinéma de genre, et tout particulièrement horrifique. Les séries à succès telles que The Walking Dead ou Les Disparus n'y sont sans doute pas étrangères, qui contribuent de surcroît au décloisonnement des univers, et prouvent aux derniers rétifs que Cronenberg ou Carpenter sont davantage que des seigneurs (saigneurs ?) dans leur partie gore.   

Naufrage, ô désespoir

Maîtrisant la grammaire du film de zombies, Dominique Rocher installe un climat parfaitement anxiogène de bout en bout : il évite tout temps mort — si l'on ose — en dosant les surgissements de figures terrifiantes et distillant avec un vice d'horloger les situations de contamination pour son héros. Plutôt que de saturer l'écran d'images grand-guignolesques, le réalisateur investit à la manière d'un virus l'imaginaire de ses spectateurs. La base, direz-vous, lorsque l'on se risque dans ce registre… Attendez de voir Les Bonnes Manières de Rojas & Dutra pour constater combien un maniement maladroit des FX et une réalisation paresseuse peuvent saborder le potentiel fantastique d'un film !

Rocher transcende son survival en faisant de Sam un Robinson au milieu d'un océan de zombies pareils à des requins affamés ; l'immeuble dans lequel il s'est retranché a d'ailleurs tout d'une île qu'il va écumer pour en tirer la moindre ressource, les moindres vivres. Il se découvrira même plusieurs équivalents de Vendredi donnant quelques-uns de ses appréciables rebonds à ce récit haletant pouvant, de surcroît, se prévaloir d'une distribution internationale sans défaut. À consommer de toute urgence : ce genre de denrée cinématographique a une durée de validité souvent réduite sur les écrans.

La Nuit a dévoré le monde (Fr, int-12 ans, 1h34) de Dominique Rocher avec Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant…


<< article précédent
Tous en prière au Comœdia