50 nuances de pop

En vingt ans de carrière, Kelley Stoltz, second couteau notoire à l'aise sur tous les terrains, est passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pop. Son dernier album Que Aura vient y ajouter une teinte supplémentaire.


C'est une évidence : la galaxie pop de Kelley Stoltz est proche de l'infini et de forme tentaculaire, puisqu'elle va plus ou moins directement de Jeff Buckley à Jack White et de Nirvana à Echo & the Bunnymen en passant par Sixto Rodriguez.

Ainsi, le natif du Michigan, passé par New York puis relocalisé à San Francisco, a-t-il été stagiaire au service management du label du premier (il y a un début à tout et tout est un début), émargé sur les labels des troisièmes et quatrièmes (Third Man Records et Sub Pop), officié comme guitariste de tournée des hommes lapins et clavier du Sugar man de Détroit.

Mais cette galaxie est encore bien plus vaste quand on songe que Stoltz a, outre Echo, été biberonné à la pop ouvragée de Brian Wilson et des Kinks, aux complaintes éplorées et défroquées des "officiels de la mélancolie" que furent Leonard Cohen, Nick Drake et Syd Barrett ou à la grâce torve du Velvet Underground.

Aujourd'hui chez Castle Face, le label de John Dwyer de Thee Oh Sees, Stoltz a tout d'un insaisissable qui d'album en album ne semble jamais enclin à vouloir sortir du relatif anonymat duquel ses disques très cool n'ont pas réussi à le sortir depuis une vingtaine d'années qu'il pratique.

Energie renouvelée

Il faut dire que Stoltz s'est produit sous une telle couche d'alias qu'ils ont fini par l'avaler et dans une quantité de genres – garage, psyché pop, post rock, new wave... – qu'un disquaire (il en fut un lui-même) n'y retrouverait pas ses petits.

En solo, Stoltz a longtemps opté pour une pop à forte résonance kinksienne et barrettienne (Antique Glow, Below the Branches, Circular Sounds, To Dreamers), avant de bifurquer nettement vers un mélange de tous les styles précités, déjà à l'œuvre sur Double Exposure (2013) et In Triangle Time (2015).

Cette fois avec Que Aura, Stoltz livre un drôle de mélange de krautrock et de disco pop qui convoque aussi Echo & The Bunnymen, Fleetwood Mac – puristes indés ne fuyez pas ! – Captain Beefheart et pas mal de madeleines 80's. N'en jetez plus, la coupe est pleine. Elle déborde même.

Or, il est compliqué de produire une pop si référencée, et surtout les chansons qui vont avec, sans se retrouver esclave de sa traçabilité – l'auditeur courra forcément après.

Sauf que de cela, Stoltz qui recycle aussi bien ses influences qu'il est en pointe dans l'utilisation d'énergie renouvelable pour enregistrer ses disques – un signe ! – sait s'affranchir en nous enseignant la vérité suivante : ce n'est pas parce que la peau du caméléon prend la couleur du feuillage qu'elle devient ce feuillage.

On songe dès lors à un terme qui fit en son temps le sel d'un tube de Culture Club : « Karma chameleon » qui, appliqué à Kelley Stoltz, ferait de lui le caméléon de son propre karma musical.

Kelley Stoltz + Grand Veymont
Au Sonic le mercredi 14 mars


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