Apocalexico

De retour à l'Épicerie Moderne, les arizonards de Calexico viendront présenter leur dernier morceau de bravoure The Thread that keeps us, où s'agitent les fantômes de l'Amérique de Trump vécue comme une fin du monde.


D'album en album, Calexico arpente les territoires mentaux de son americana musicale, sorte de pays rêvé constitué d'un mélange de country, de folk, de valse et d'indie-rock, assaisonné de sauce tex-mex, tendance mariachi et irradié de soleil crevé. Mais le groupe mené par le duo Joey Burns/John Convertino sillonne aussi, pour produire ses disques, le territoire "américain" : de la Nouvelle Orléans pour Algiers au Mexique pour Edge of the Sun.

Pour The Thread that keeps us, Calexico s'est cette fois relocalisé au nord de la Californie, dans un home studio appartenant à un proche du groupe, construit à partir de débris et de bois récupérés sur des chantiers navals. De cet endroit, rebaptisé « Le Vaisseau Fantôme », le duo a fait jaillir les siens, ceux qui hantent sa musique depuis toujours pour les faire défiler sur le territoire étrange et inhospitalier de ce nouvel album.

Un rendu d'autant plus réussi que la musique de Calexico a toujours charrié quelque chose d'ectoplasmique et le timbre de Joey Burns porté un voile spectral. Une fois de plus les différents styles adoptés par Calexico – psychédélisme funk sur Another space, reggae-salsa (!) sur Under The Wheels, rock crépusculaire sur Spinball, post-rock psyché sur Shortboard, blues rock abrasif sur Dead in the Water – sont eux-mêmes comme autant de morceaux de bois flotté et le lien qui les fait tenir réside tout entier dans un inépuisable art du songwriting.

Fin du monde

Impossible donc pour le groupe de passer outre les passions frontalières et les questions environnementales – l'album fut enregistré alors que la Californie flambait une fois de plus – qui secouent l'Amérique depuis l'élection de Donald Trump dont il ne faut pas être devin pour comprendre qu'il n'est pas le président préféré d'un groupe qui a choisi de se nommer d'après une ville posée à la frontière entre la Californie et le Mexique, en face de sa jumelle mexicaine, Mexicali.

Calexico trouve une matière à storytelling (littéraire et musical) inépuisable – on n'osera pas dire inespérée – déclinée sur End of the world with you qui nous invite à rien moins que la fin du monde, Voices in the field ou Eyes wide awake (et son atmosphère d'Apocalypse à la Where is my mind). Ici, donc, les fantômes de Calexico sont, plus que jamais, ceux de l'actualité.

Car si, comme l'a écrit récemment notre critique cinéma et le démontre si bien le livre de William Bourton Western, une histoire parallèle des États-Unis, le western « s'imprègne davantage de son contexte de tournage que de l'époque qu'il est censé dépeindre », il en est bien ici de même pour un groupe qui cultive l'art du western musical.

Calexico + Mexican Institute of Sound
À l'Épicerie Moderne le jeudi 22 mars


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Attention, histoires vraies !