Dandin, baromètre sociétal

Le Dandin de Planchon était pour lui un sommet du genre auquel il ne voulait pas toucher, pourtant Jean-Pierre Vincent s'y est collé avec jubilation tant la lutte des classes dont parlait Molière est encore prégnante aujourd'hui.


On en est donc encore là. Plus que jamais là. Au cœur d'une lutte des classes qui moins elle dit son nom, plus elle est violente. 1668 : Molière écrit cette comédie sociale d'un paysan devenu riche à force de commercer. Il découvre Versailles, s'achète une femme noble ruinée en échange d'un nom prestigieux. Monsieur Dandin épouse Mademoiselle de la Dandinière. Mais l'amour n'est pas affaire de possession.

2017 : le monde en est encore à tenter de prouver que la femme est un Homme comme les autres à grands coups de revendications #metoo. Alors, même en vénérant le travail réaliste qu'a fait Planchon en 1958, Jean-Pierre Vincent choisit un décor atemporel puisque les époques se valent bien. Entre trois murs gris, une demi-vache encastrée à jardin, des esquisses d'église, de maison, de ferme et de village et même de château clinquant, il dépeint l'enfermement. Son amour fuit de toutes parts.

Laisse tomber la fille

De façon relativement classique, sans se prétendre au-dessus de la pièce, le metteur en scène qui n'a plus rien à démontrer (son Godot il y a deux ans était un sommet de justesse), ancien directeur de la Comédie française, des Amandiers-Nanterre, n'excuse pas son personnage principal, remarquable Vincent Garanger, bougon, mauvais perdant. La compassion n'est pas son propos.

Ce qu'on entend, c'est cette jeune fille qui n'a rien de volage, qui se scandalise de « devoir être morte à tous les divertissements » et édicte clairement : « je veux jouir. » Pas de morale dans cette adaptation-là. La liberté de chacun prime, y compris celle d'être plus morveux qu'imaginé (l'amant Clitandre) ou plus insistant que le texte (le servant de Clitandre, Lubin, à l'encontre de la servante d'Angélique).

Dans ce jeu amoureux, c'est bien la société qui se reflète et Jean-Pierre Vincent d'affirmer, via cette pièce avant-gardiste, qu'avec leurs calculs pour briller un peu plus en apparence, les uns comme les autres se prennent à leur propre vanité.

Dandin ou le mari confondu
Aux Célestins jusqu'au 24 mars


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