Sa philosophie de A à W

L'ancien rédacteur en chef d'Interview conte ses souvenirs au sein d'une rythmée biographie d'Andy Warhol tout juste traduite : Holy Terror.


Quelle gageure d'écrire une biographie d'Andy Warhol, lui qui n'aimait rien tant que brouiller les pistes et travestir la réalité selon son bon vouloir, inventant ses propres superstars. C'est le pari réussi par Bob Colacello, dont l'ouvrage Holy Terror est traduit aux éditions Séguier. L'ancien rédacteur en chef d'Interview, la revue glamour et people lancée par le maître du pop art, raconte tout : son admiration pour son patron, au centre de toutes les attentions, comme les turpitudes subies par lui ou les proches fréquentant la Factory. Andrew Warhola de son vrai nom était un rien tyrannique, cachottier - peu savaient que c'était un fils d'immigrés pauvres venus de Carpates, en Transylvanie.

C'est une immersion au plus proche de l'underground new-yorkais des années 70 jusqu'à la mort de Drella en 1987, et ce n'est pas le moins intéressant dans ce livre nerveux où l'on se prend parfois à fulminer contre cet artiste par trop agaçant, dépourvu de conversation (il aimait demander si la personne qu'il venait de croiser était riche, ou dessina un papillon pour l'offrir à Greta Garbo à qui il n'arrivait pas à adresser la parole).

Un king du commerce, qui achetait des idées (« peint ce que tu aimes : des dollars » lui répondit une amie galeriste contre 50 €) et défiscalisait les cadeaux offerts à ces superstars de la Factory, les faisant passer comme décors de ses films pas très simples à mater mais toujours plus easy à discuter en soirée au Studio 54 ou au CBGB.  

Bob Colacello, repéré en 1970 pour ses critiques de cinéma dans le Village Voice et immédiatement transféré à la Factory où il passera toutes ses journées pendant douze ans, fait battre le tempo de l'époque avec verve et un sens du détail comme du récit. Lui qui fut la plume fantôme de Warhol pour Ma philosophie de A à B et vice-versa, lui qu'Andy voulait absolument renommer en Bob Cola, signe bien ici de son nom et captive ceux qui voudont bien se lover dans cette sainte terreur.

Bob Colacello, Holy Terror (éd. Séguier)


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