À l'ombre tranquille de l'Orchestra Baobab

Depuis son retour aux affaires en 2000 après quinze ans d'éclipse, l'inoxydable Orchestra Baobab n'en finit plus d'enchanter ceux qui se laissent aller à savourer leur sucré cocktail de sonorités sénégalaises et afro-cubaines. 


Fin 2016, l'on apprenait la mort de El Hadj Ndiouga Dieng, figure de proue de l'Orchestra Baobab, fier orchestre sénégalais à l'œuvre depuis des décennies, 1970 exactement. Loin de stopper l'aventure, ce décès a engendré un nouvel album lui rendant hommage, le bien nommé et magistral Tribute to Ndiouga Dieng paru l'an dernier, en souvenir de celui qui fut policier du côté de Dakar dans les 60's avant d'intégrer le groupe dès ses débuts, en compagnie d'Abdoulaye Mboup, Balla Sidibé,  Rudy Gomis ou encore Médoune Diallo. Il était compositeur de l'une des plus belles perles d'un répertoire qui en compte beaucoup, le nonchalant Bul ma miin. Il faut dire qu'à l'ombre du baobab, bien des aventures ont été contées et pas toujours selon le cours d'un fleuve tranquille. 

C'est le saxophoniste Oumar Barro N'Diaye qui est chargé de former la première mouture du combo sur les cendres du Star Band, orchestre résident du club le Miami (dans la Médina à Dakar). Lequel Oumar est décédé depuis. Comme Abdoulaye Mboup, l'un des premiers chanteurs, dès 1974 dans un accident de voiture. Ou plus récemment, Médoune Diallo, l'une des voix emblématiques qui charmait aussi au sein d'Africando, parti en février 2017. C'est dire si le personnel évolua au gré des drames sans que le feeling du groupe n'en pâtisse.

Comme de coutume en Afrique de l'Ouest, l'orchestre ambiance un spot en résidence : ce sera le Club Baobab, plutôt pour gens aisé et toujours à Dakar. Le nom est resté, symbole de longévité : Orchestra Baobab. Il faut tenir la cadence toute la nuit : les séries se succèdent, cubaines ou jazz, et tout ceci nourrit rapidement les compositions,  mêlées aux influences multi-ethniques traditonnelles, lui donnant sa touche si particulière, tout en chaloupement, en finesse, une force tranquille qui s'étire au fil de longs morceaux où l'on aime à danser collé-serré sous les guirlandes colorées d'une guinguette locale. 

Pirate's Choice

Après quelques disques encore confidentiels sur Disques Buur, c'est Ibrahima Sylla (décédé en 2014) qui va impulser la carrière du groupe et lui donner son aura panafricaine. Le patron du label Syllart et producteur affûté s'attache à leur façonner un son typique et raffiné dès 1978 et ce jusqu'en 1985, quand les orchestres traditionnels qui dominaient depuis deux décennies s'écroulent, ensevelis par la nouvelle génération d'artistes qui partent conquérir en solo le monde, entraînant le public avec eux (Youssou N'Dour et le très urbain m'balax, le soukouss au Congo, Alpha Blondy en Côte d'Ivoire...). Fin du mythe ? 

Que nenni. Au début des années 2000, les mémoires se rafraîchissent mais, aussi, le monde occidental aux esgourdes désormais familières des sonorités africaines, rêve de découvrir ces artistes mythiques qu'il n'avait jamais entendu ou surtout vu sur scène à leur heure de gloire. Plusieurs se reforment, comme l'Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou (où joua un temps René Sowatche, tout nouveau guitariste du Baobab), et bien sûr l'Orchestra Baobab, remis en selle par Nick Gold (patron de World Circuit, qui a produit le Buena Vista Social Club), qui les retrouve un par un dans leur nouvelle vie et fait remonter tout le monde sur scène, en parallèle de la réédition de Pirate's Choice, fabuleux album (et dernier enregistré avant le split) datant de 1982 qui fait un carton international. C'est reparti et s'ensuit en 2002 Specialist in All Styles, nouvelle petite merveille qui vient s'ajouter à l'une des plus riches (et alors oubliée) discographie d'Afrique, produit en partie par le "petit jeune" Youssou N'Dour, qui, fan de la première heure, paye-là son dû, prêtant également son studio pour les répétitions de la reformation. 

Et comme en Afrique, tout est affaire de transmission,  Alpha Dieng, fils de Ndiouga, a pris la relève, aux côtés du percussioniste et doyen Balla Sidibé, 75 ans et des septs autres larrons (dont pour la première fois de la kora, avec l'intégration de Abdoulaye Cissoko) qui s'y entendent pour recouvrir de miel nos petits cœurs.

Orchestra Baobab
Aux Subsistances le dimanche 29 avril


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