UNESCO : la folle aventure

Plus vaste zone habitée française classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO, Lyon a gardé le témoignage de toutes ses époques. C'est ce qui lui vaut ce Graal obtenu le 3 décembre 1998 au terme de la lutte fondatrice de l'association de la Rénovation dans le Vieux-Lyon entamée après-guerre. Récit de cette aventure.


20 ans. Une paille au regard de l'Histoire lyonnaise et pourtant presque une ère géologique à voir posés, lors de cette journée de célébration à l'Hôtel de Ville de Lyon il y a quelques jours, les quatre volumes reliés et tissés du dossier de la candidature de Lyon. Des pages rédigées à la machine à écrire agrémentées d'une pléiade de photos argentiques d'Yves Neyrolles collées, encadrées à la main dans ces prestigieux ouvrages pré-informatiques.

Quand l'architecte Denis Eyraud se trouve en charge d'organiser le cinquantenaire de l'association de la RVL (née en 1946) qu'il préside depuis peu, son prédécesseur Régis Neyret a l'idée de candidater à l'inscription au Patrimoine mondial de l'UNESCO. C'est que cette association d'habitants est une des premières à s'être préoccupée de sauvegarder des quartiers et pas seulement des monuments au point qu'elle incitera André Malraux, alors en charge de la culture sous de Gaulle, à créer en 1962 ce plan fondateur de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine. Le Vieux-Lyon sera le premier en France à en bénéficier et Louis Pradel ne pourra alors pas tout raser pour une bretelle d'autoroute destinée à relier la Saône à la montée du Chemin-Neuf, qui aurait nécessité d'écraser, entre autres, la mairie annexe du 5e.

À la fin des années 90, cette liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO à laquelle la France a adhéré en 1975, et bien que née en 1972, n'a pas encore le prestige qu'on lui connaît aujourd'hui. La candidature de Lyon se fait donc sérieusement mais à la hussarde, d'autant que le tout-venant répond spontanément « qu'il n'y a rien à voir à Lyon ! » . Le débonnaire maire Raymond Barre y croit et dote ce projet d'un délégué dédié. Fin 1998, c'est la victoire.

Valeur-universelle-exceptionnelle

Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques et aux manettes de toutes les rénovations majeures de Lyon depuis des décennies, qui avait précédemment été évaluateur d'autres dossiers UNESCO, sait comment répondre aux critères de « valeur universelle exceptionnelle ». Et Lyon, outre la richesse du Vieux-Lyon, installée sur un site naturel atypique propice aux échanges, entre deux collines, deux fleuves et un confluent (ce dont très peu de grandes villes comme Pittsburgh peuvent se targuer), est d'une homogénéité totale. Tout est d'une même hauteur au médiéval, au classique et au XIXe. Rien n'a été détruit. Quand le cœur historique parisien du Marais est en grande partie reconstruit, Lyon possède encore les éléments tangibles de son évolution et sera, avec ses 427 hectares, la plus grande surface bâtie française classée à l'UNESCO (Paris compte ses rives de Seine et des monuments épars, les 1731 hectares de Bordeaux concernent le port de la Lune, un site essentiellement naturel).

Il reste à Lyon 380 maisons médiévales, quand il n'y en a plus qu'une quinzaine à Paris. La force de la candidature lyonnaise aura été d'avoir été portée en amont par des habitants (ce qui est de plus en plus recherché par l'UNESCO) et d'avoir su montrer sa singularité en incluant la Presqu'île dans son dossier de candidature, car les quartiers du type Vieux-Lyon sont nombreux dans le monde. Ce qui a été classé, c'est l'évolution et la mouvance du centre ville. Quand habituellement, il reste au même endroit en se reconstruisant, ici il s'est déplacé et fait de Lyon un livre ouvert de toutes les périodes historiques : le centre ville romain en haut de la colline, celui médiéval en bas, le classique en Presqu'île autour de l'Hôtel de Ville (XVII et XVIIIe siècles) et, au-delà, de la zone classée, celui du XIXe siècle à la Préfecture (les Lyonnais ne traversent le Rhône qu'en 1820) et le XXe à la Part-Dieu.


Et après ?

Suite au classement à l'UNESCO, les nuitées se sont envolées (2, 5M en 1998, le double désormais). Les visiteurs viennent en masse au point de rendre le Vieux-Lyon infréquentable le week-end. Rançon d'un succès que depuis 2005, l'UNESCO contrôle. Tous les six ans, vérification est faite : les critères d'éligibilité doivent toujours être remplis. Hors guerre (que restera-t-il des six sites classés de la Syrie ?), peu de risque d'être rétrogradé ou "en péril". Cependant la vallée de l'Elbe à Dresde a été retirée de la liste en 2009 suite à la construction d'un pont à quatre voies.

Ce classement n'est pas doté, mais oblige à entretenir et protéger ces lieux. La Ville de Lyon a consacré 8M€ à la restauration du patrimoine en 2017, comme en témoigne la fontaine Bartholdi fraîchement remise à neuf.


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