Initiales WW : petite audio-rétrospective de Wenders (Playlist)

Faire une rétrospective Wenders, c'est voyager dans le juke-box d'un vieux fan du rock à tu et à toi avec ses idoles des années 1960 à 2000. Playlist again, Wim !


Sa naissance le 14 août 1945 dans une Allemagne défaite, quelques jours après les bombardements sur le Japon aussi ravageurs que décisifs, fait de Wim Wenders un authentique baby boomer. Sa jeunesse dans un pays scindé en deux entités se tournant le dos l'incite à lorgner toujours davantage l'Ouest. Plutôt que de se contenter d'une éducation européenne, Wim le polyglotte va succomber à la tentation américaine, grâce au cinéma mais aussi la musique. En particulier rock.

De toute la génération de cinéastes allemands émergeant à la fin des années 1960 (Fassbinder, Herzog, Schlöndorff, Kluge…), Wenders est celui qui manifeste le plus fort tropisme pour la culture anglo-saxonne dans toutes ses composantes, qu'elles soient érudites — il adaptera Hawthorne en 1975 — ou populaires. Très marqué par la beat culture, il signe dès ses débuts des road movies ; des films où ses personnages (en général des anti-héros) pour “s'accomplir” et s'affranchir d'un carcan sociétal ou familial, doivent effectuer un parcours initiatique. Un voyage spontané ou inopiné, avec pour compagne de nomadisme l'omniprésence de la musique : grâce aux transistors, aux vinyles, et bientôt les magnétophones à cassettes ou les autoradios ; celle-ci étant elle-même devenue transportable…

Ich bin ein Musikante…

Son premier long-métrage est un manifeste du rapport que Wenders entretient avec la musique. Summer in the City (1970) est conçu comme une “bande originale” des titres que le jeune cinéaste écoutait alors. Dédié de surcroît aux Kinks, ce film est un vrai juke-box, habillé jusqu'à la gueule de morceaux du groupe anglais, mais aussi de Dylan et bien sûr du single de The Lovin' Spoonful qui lui donne son titre. Cela, sans la moindre autorisation d'utilisation, ce qui lui vaut d'être longtemps inédit pour d'évidentes raisons de droits musicaux. L'Institut Lumière l'avait toutefois projeté en 1991 en séance exceptionnelle.

Longue balade germanique et métaphysique, à la lisière de deux mondes (Est/Ouest ; cinéma/réalité), Au fil du temps (1976) est rythmé par une autre ballade.

Le glissando au bottleneck de Ry Cooder pour escorter l'errance dans le désert d'un homme déboussolé… Un vrai plan de fin pour commencer l'histoire d'une reconstruction et une Palme d'Or à la clef pour Paris, Texas (1984) écrit avec Sam Shepard, l'ami américain retrouvant sa plume de dramaturge. Le thème homonyme est devenu un classique.

Prophète en son pays, Wenders annonce la fin du Mur de Berlin dans Les Ailes du désir (1987). Si ses messagers sont des anges, ils n'ont ni hautbois ni trompette pour s'accompagner : ce serait plutôt ambiance guitares électriques et batterie. Berlin était alors une source féconde d'inspiration pour un vivier non moins productif : en témoigne une B.O. d'une exceptionnelle diversité, réunissant underground rock, avant-garde ou post new-wave. 

Projet d'une ambition faramineuse sorti hélas à quelques jours d'écart de Terminator 2, Jusqu'au bout du monde (1991) est le grand film d'anticipation fantasmé par Wenders, dans lequel il cerne avec une relative prescience la folie dévorante des images. Échec cinglant en salles, qui mettra à mal la société Argos Films d'Anatole Dauman, son producteur de toujours, ce très long-métrage se trouvait doté d'une des plus luxueuses B.O. de la décennie. Un mélange de légendes et de jeunes potes qui en fait un bon quart de siècle plus tard une compilation sans faute et sans ride.

Les amitiés forgées dans les aventures précédentes se retrouvent au générique de la suite des Ailes du désir, Si loin… si proche (1993). Wenders réactive ses anges dans un Berlin réunifié et cette fois, la musique a plus d'écho que le film qui l'a suscité. 

Escapade au Portugal pour fêter le centenaire du cinéma à sa façon. En peu en perte de vitesse après deux décennies de succès, Wenders s'offre une respiration poétique et légère en encensant le fado de Madredeus dans Lisbonne Story (1995). Il se rend compte au passage que, vraiment, il aime filmer les musiciens et musiciennes en live.

Au départ, c'est un petit projet de documentaire autour d'un petit groupe faisant une petite tournée, filmé avec une petite caméra… Imaginée avec Ry Cooder, la résurrection du Buena Vista Social Club (1999) devient aussi celle de Wim. Cela deviendra une habitude : le documentaire va régulièrement permettre au cinéaste de rebondir après ses échecs commerciaux dans la fiction. 

Wenders achève le siècle avec un nouveau grand film malade, The Million Dollar Hotel (2000), sur un scénario de Bono, avec Mel Gibson et Milla Jovovich. Le générique ressemble à un inventaire à la Prévert, l'histoire à un puzzle, et la B.O. à un patchwork composé à partir des carnets d'adresses des deux comparses. Mais elle vaut aussi son million de dollars.


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