Étranges étrangers

Flanqué d'une nouvelle batteuse (et chanteuse), ce champion de l'évolution sonique qu'est le groupe le plus bruyant de New York, A Place to Bury Strangers revient avec Pinned, un album qui fait débat. Et toujours "un peu" de bruit.


S'il fallait matérialiser une frontière à la limite du shoegazing et du post-punk, alors les musiciens américains de A Place to Bury Strangers feraient sans doute office de garde-barrières, un pied de chaque côté de la ligne pointillée, armés de leur arsenal de pédales d'effet.

Il faut donc imaginer quelque chose se baladant à l'intérieur du spectre sonique allant de My Bloody Valentine (cet amour indéfectible pour le larsen élevé au rang d'art) à Joy Division (ses relents occultes et ses rythmes au pas de l'oie) en passant par The Jesus & Mary Chain (ses nuages noirs et ses éléphants roses) et qui, sans doute à égalité ou juste en dessous des précités Valentine, peut se targuer d'être le groupe le plus généreux en décibels et le plus "acouphènogène" du circuit rock - « the loudest band in New York », sont-ils labellisés.

De là à dire que le niveau sonore importe ici plus que les chansons – ce qui pourrait être reproché à tout ressortissant du mouvement ou du revival shoegazing –, il y a un pas trop sérieux pour être franchi. Au contraire, le groupe d'Oliver Ackermann est sur ce point très inventif, notamment en live. Qui plus est : enfoui dans leur magma sonique, on distingue chez APTBS quelques tubes en puissance et une vraie qualité d'écriture.

Révolution cultu(r)elle

Et cela vaut pour leur dernier album Pinned, tout juste sorti. Lequel prouve en sus que les Brooklynites se sont pas enferrés dans une formule, "épinglés" tel un papillon au Mur du son. Car le groupe ne s'est pas contenté de recruter une batteuse en remplacement de Robi Gonzalez, il a aussi placé un micro devant sa batterie et la demoiselle chante sur quasiment tous les titres, donnant à ce qui ne devait être qu'un changement poste pour poste, des airs de révolution culturelle.

Le résultat prendrait dès lors presque des atours pop façon Raveonettes, The Kills ou Yeah Yeah Yeah's. Ce qui n'a pas l'heur de plaire à certains fans dont la dévotion était jusqu'ici totale. Trop de dilution par-ci, trop de minimalisme par-là, un sérieux trou d'air un peu partout. En gros, les chansons prendraient ici le pas... sur le niveau sonore, ce qui n'est qu'en partie vrai et pas forcément déplorable.

On aurait même tendance à penser qu'A Place to Bury Strangers a simplement fait, et c'est tout à son honneur, comme il l'a toujours fait, notamment sur scène : tirer parti des circonstances, d'un changement, d'un accident pour surprendre. Et qu'il est par conséquent un peu tôt pour enterrer leur dernière "étrangeté" en date.

A Place to Bury Strangers
Au Marché Gare le mercredi 25 avril


<< article précédent
Alela Diane : « En tant qu'artiste féminine, il y a une pression constante »