Jazz très spécial

Considéré comme l'un des grands rénovateurs du jazz, Kamasi Washington, saxophoniste proche du milieu hip-hop et grand transcendeur de styles, est cette année l'invité d'un concert spécial qui ouvre pour la première fois ses portes à cette discipline.


Pierre Henry, The Residents, Kraftwerk, New Order, Einstürzende Neubauten, A Certain Ratio, Air, Daft Punk, James Chance & The Contortions, Pere Ubu, Mogwaï... Depuis ses débuts, Nuits sonores a transformé ses désormais célèbres concerts spéciaux en véritable Hall of Fame électro-indé (électro, indé ou les deux) autant qu'en totems de ce qui fait l'esprit de ce festival. Et l'on peut dire d'une certaine manière que tout le monde y est passé ou presque. Avec parfois quelques pas de côté, comme ç'avait été le cas notamment avec la photographe Nan Goldin en 2015.

C'est également pour un pas de côté que l'on pourrait prendre l'affiche 2018 de ce concert qui s'aventure cette fois – c'est la première – sur le territoire du jazz avec le saxophoniste Kamasi Washington, considéré comme l'avenir de la discipline. Ceux qui suivent au moins la musique populaire ont sans doute déjà eu vent des talents multiples de ce souffleur hors pair puisque le Californien s'est surtout fait connaître ces dernières années pour avoir accompagné les géants du rap et du r'n'b (citons Lauryn Hill, Snoop Dogg ou encore Kendrick Lamar). Ce qui lui a valu le surnom de "saxophoniste des stars".

Mélange cosmique

Mais depuis le géant de South Central, qui figure aisément une sorte de fils caché de Pharoah Sanders et de John Coltrane croisés avec Sun Râ a sévèrement secoué le monde du jazz avec d'épiques disques solo qui explosent tous les formats et renouvellent un genre dont l'intelligence l'a très tôt attiré. C'est le cas sur le bien nommé The Epic, triple album sorti en 2015 sur un label d'électro et de hip-hop, en attendant Heaven & Earth, à venir en juin et guère plus raisonnable.

S'y croisent cordes et chœurs, instrumentaux de longue haleine, soul, funk et free jazz, en une sorte de mélange cosmique étoilé sur lequel il refuse même, en ambassadeur d'une génération Y nourrie à tous les râteliers et par tous les supports, de mettre un qualificatif. C'est donc ailleurs que Washington théorise son art, affirmant que l'essor actuel des musiques noires contemporaines, leur diffusion à travers toutes les couches de population, constitue une sorte de « second mouvement pour les droits civiques » et quelque part un début de victoire. En cela, Washington est à lui seul une déclaration d'indépendance.

Kamasi Washington
À l'Auditorium de Lyon le mardi 8 mai


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