Porcs salut : "Miracle"

de Egle Vertelyte (Lit, 1h31) avec Eglè Mikulionyté, Vyto Ruginis, Andrius Bialobzeskis…


Lituanie, 1992. L'effondrement du communisme provoque la désorganisation en cascade de toute la chaîne collectiviste. Dont la ferme porcine administrée par Irena. Au bord de l'asphyxie, elle espère un miracle. Il aura le visage d'un investisseur américain baroque. L'homme providentiel ?

Alors que le temps a accompli son œuvre, créant de facto un sas entre la fin du bloc de l'Est et notre époque, les comédies post-ost ont été plutôt rares — Goodbye Lenine faisant figure de notable exception. Sans doute fallait-il pour cela, au-delà de l'ostalgie, éprouver le sentiment même inconscient de renouer avec la bipolarisation d'antan ; donc que la Russie retrouve son influence internationale. Après presque deux décennies de régime poutiniste, le moment est donc bien trouvé pour ce Miracle — à quelque chose chose, malheur est-il bon ?

S'il s'ancre dans le lisier et la fin du communisme en Lituanie, ce premier long-métrage d'Egle Vertelyte tient beaucoup de la fable intemporelle : celle du Laboureur et ses Enfants ou de La Poule (voire, plutôt du Pachyderme) aux œufs d'or. Et rappelle quelques morales imparables, comme “un tiens vaut mieux que deux tu l'auras“. 

Entre comédie sociale, drame sentimental et absurde surréaliste, la cinéaste joue adroitement sur plusieurs registres, inscrivant l'humour balte dans le voisinage de la Suède anderssonienne, de la Finlande kaurismäkienne ou de la Serbie kusturicienne — ils semblent arrosés des mêmes affluents éthyliques. Quant à sa description sans paroles, par le montage uniquement, du passage à l'économie de marché à travers le miroir aux alouettes de la société de consommation, elle constitue un modèle de sobriété stylistique et d'efficacité narrative. On a là une réalisatrice à suivre…


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