Folly pas ordinaire

Projet solo de la moitié féminine d'Odessey & Oracle, Fanny L'Héritier, Bess of Bedlam livre avec son premier album, Folly Tales,  présenté au Rita-Plage,  un petit précis de folie folk et psychédélique particulièrement contagieux.


« Ce monde est un grand Bedlam où des fous enchaînent d'autres fous » écrivait Voltaire dans Pot-Pourri, en référence au Bethlem Royal Hospital, connu pour être le premier établissement ayant prodigué des "soins" psychiatriques, en Angleterre et dans le monde, et à son surnom, Bedlam, signifiant "confusion".

Il faut dire qu'on y a longtemps usé de méthodes expérimentales et inhumaines, questionnant la nature même de la folie autant que sa place ainsi que l'écrivit le dramaturge Nathaniel Lee au sujet de son passage à Bedlam : « ils m'ont traité de fou, je les ai traités de fous, ils m'ont mis en minorité. »

Pas étonnant donc que l'institution ait toujours été dans la culture populaire l'objet de nombreux fantasmes (souvent hantés) et déviations fictionnelles, de Shakespeare à la série télévisée. Henry Purcell lui-même livrera avec Bess of Bedlam une escapade musicale dans laquelle une jeune femme s'évade de la maison de fous. Bess of Bedlam, c'est le nom que s'est choisi Fanny L'Héritier, dont on connaît la passion pour le baroque via son travail au sein du duo lyonnais Odessey & Oracle, pour son projet folk solo dont paraît le premier album Folly Tales.

Éruption de fleurs

Où la jeune femme semble s'éloigner quelque peu de la formule pop psychédélico-baroque d'Odessey & Oracle (deux albums merveilleux, à tous les sens du terme) pour se plonger dans un bain d'éther, d'où s'échappent un à un des fantômes étourdis d'effluves anesthésiques. Ceux des grandes voix du "bizarre folk" que sont Vashti Bunyan, Linda Perhacs ou plus proche de nous la fée Joanna Newsom.

Mais c'est en quelque sorte un trompe-l'œil auquel se mêlent comme des hallucinations : une forme de psychédélisme qui s'élèverait comme une bulle de savon aux côtés de formations telles que The Free Design ou le Sagittarius de Gary Usher. Autant de groupes qui auraient leur place dans un service hospitalier pour fous géniaux mais incompris.

De là, avec ses mélodies qui oscillent entre le frugal et le sophistiqué sans jamais perdre l'équilibre (y compris mental malgré la schizophrénie qui pointe) et ses instruments pas comme les autres (pianet, dobros, banjos, synthétiseurs analogiques...), Bess of Bedlam nous propose ses propres contes de la folie, une évasion chimérique semblable à cette éruption de fleurs qui sort de la tête de la jeune femme sur le dessin qui orne la pochette de Folly Tales. Un Bedlam qui nous enchaîne à sa musique.

Bess of Bedlam + Maxime Paillot
Au Rita-Plage le vendredi 18 mai

Folly Tales (Another Record / La Société Secrète)


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