(Ne pas) faire son cirque

Alors que va s'ouvrir le somptueux festival UtoPistes (du 31 mai au 9 juin), le cirque souffre sévèrement d'espaces de travail en amateur, en apprentissage ou en professionnel, au point que l'école de cirque envisage sérieusement de quitter Lyon. État des lieux.


Durant le festival UtoPistes, le mardi 5 juin de 17h à 19h, place des Célestins, aura lieu un "entraînement sauvage", le premier d'une petite série selon le manifeste d'une centaine de professionnels qui après avoir alerté sur le manque de lieux pour répéter et créer, le prouve. Ainsi pour s'entraîner sur son agrès - le trampoline - Mathurin Bolze doit trouver un créneau sur la pause de midi à l'école de cirque. Le temps de monter et démonter son matériel est plus long que son moment de pratique ! Alors, « il loue un jour ou deux de plateau dans les lieux qui l'accueillent en diffusion,  précise Marion Floras, coordinatrice artistique de sa compagnie mpta et co-organisatrice d'UtoPistes, heureusement on tourne beaucoup ! » Et de noter que c'est encore plus compliqué pour les circassiens de l'aérien dont l'outil nécessite des accroches. Est alors évoqué ce vieux serpent de mer : une cité des arts du cirque pour réunir la recherche et les créations des pros, la formation professionnelle et la pratique amateur dans un même lieu pérenne.

Plusieurs sites ont été envisagés : la Fouragère mais l'effondrement de la balme a tout fait capoter, puis le quartier Sergent Blandan dans sa phase 2 mais, comme le précise Loïc Graber, adjoint à la culture de Georges Képénékian, «l'appel d'offre précisait que les acquéreurs des lots devaient être autonomes, or là il fallait des moyens publics de fonctionnement et, par ailleurs, le bâtiment n'avait pas, in fine, la hauteur voulue. » Pas de délais fixés pour l'instant, ni même encore de site où possiblement amarrer : « mais si demain une des 58 communes de la Métropole veut accueillir ce pôle nous l'accompagnerons en investissement, comme nous l'avons fait avec Grrrnd Zero à Vaulx-en-Velin » dit-il. Pour le fonctionnement, « rien n'est fléché ».

Exercice d'équilibrisme

En attendant, il y a urgence pour l'école de cirque. Logée dans les locaux de la MJC de Ménival (5e arrondissement), elle est menacée de perdre son agrément. Il y a bien eu un investissement (800 000€) de la ville pour une mise aux normes PMR, mais cela ne modifie en rien la qualité d'accueil de ce cours préparatoire aux grandes écoles, un des huit que compte la France pour qu'en deux ans, les étudiants puissent entrer dans l'élite.

Sur la promo sortante de douze, quatre ont été acceptés au Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne (le Graal en France), un à Montréal. Et d'autres sont en attente de résultats ! Le niveau est incontestablement celui de l'excellence, comme en témoigne aussi la masse de 210 dossiers de candidatures reçus pour la rentrée de septembre, dont plus de la moitié proviennent de l'étranger, parfois des États-Unis ou de l'Australie. Problème : l'agrément délivré par la fédération française des écoles de cirques est remis en cause, car ce lieu n'a pas la place pour accueillir la pratique de la roue Cyr, le vélo aérien ou le trapèze.

Alors pour éviter un tel gâchis, Nadège Cunin, directrice de l'école, n'attend plus et commence à chercher hors de Lyon pour« aller là où il y a un désir d'investir dans le cirque. J'ai repéré des lieux où il y a de l'argent, des trains, et où les artistes, parallèlement à l'activité de l'école, pourraient venir s'entraîner. » Car outre les particularités d'une école de ce type qui nécessite un espace particulier et une sécurisation idoine, celle-ci manque aussi d'une bibliothèque, une salle des profs, une salle de cours pour travailler l'anatomie ou l'histoire du cirque : « être artiste ne consiste pas seulement à maîtriser les saltos ! » souligne Nadège Cunin.

Ce cruel manque de structures mène par exemple les Circa, invités aux Nuits de Fourvière, à ne s'entraîner qu'à l'école de cirque ! Le Pôle National de la Cascade situé à Bourg-Saint-Andéol (Ardèche), qui vient de fêter ses dix ans, a une liste de demandes de presque deux ans pour venir travailler...


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