Sur les décombres de la guerre

Après le succès en 2014 de Cœur de chien, le premier opéra d'Alexander Raskatov, l'Opéra de Lyon a commandé un nouvel opus au compositeur russe, GerMANIA, dont la création mondiale à eu lieu à Lyon le 19 mai dernier.


C'est Raskatov lui-même qui a élaboré le livret, d'après deux pièces du dramaturge allemand Heiner Müller. Transportant le spectateur de la bataille de Stalingrad au bunker d'Hitler, l'opéra se poursuit dans l'après-guerre. Les scènes mettent en présence autant des personnages historique tels que Staline, Goebbels ou Gagarine, que des anonymes, victimes broyées par la guerre et ses conséquences.

La mise en scène de John Fulljames peu paraître simple, mais elle révèle au fil de la représentation une foule de détails qui donne une profondeur supplémentaire au sujet. Les trente-sept personnages de l'opéra évoluent sur un décor tournant, évoquant des débris de pierres, de tissus ou même de corps humains. Les décombres sont matériels, mais les dégâts psychologiques ne sont pas oubliés. Donnant aux hommes de pouvoir un coté ridicule, Fulljames montre de manière brute à quel point la guerre déshumanise l'Humain, lui ôte ses repères culturels pour le renvoyer à ses besoins vitaux d'animal, telle la nourriture ou le sexe.

Une partition exigeante

Pour illustrer ce « sombre espace », derniers mots du livret, Raskatov a composé une partition luxuriante, puissante, parfois émouvante, variant dans les styles, avec des références à ses prédécesseurs (Wagner, Mozart...). Pour notre bonheur, un avis que risque de ne pas partager le plateau vocal, Raskatov a écrit des lignes mélodiques exigeantes, flirtant avec les extrêmes aigus, comme pour le ténor James Kryshak, ou les extrêmes graves pour la mezzo-soprano Mairan Sokolova.

Dans la fosse, sous la baguette maîtrisée d'Alejo Pérez, l'orchestre de l'Opéra de Lyon s'approprie cette musique avec ferveur et passion. Si l'opéra contemporain peut parfois faire peur, on peut dire que Raskatov possède l'art de réconcilier le public avec une musique souvent délaissée.   

GerMANIA
À l'Opéra de Lyon jusqu'au lundi 4 juin


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